Politique et science ne font pas toujours bon ménage. La NASA l’apprend à ses dépens. Le " Projet pour l’exploration de l’espace " de George Bush met en péril de nombreuses recherches scientifiques sans être pour autant une alternative satisfaisante.

En janvier 2004, le président américain annonçait sa volonté de réorienter les plans de la NASA pour privilégier une nouvelle mission : l’établissement d’une base sur la Lune pour 2020 qui servirait d’étape à une mission humaine sur Mars.

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Mais, faute d’un budget adéquat, ce nouveau projet oblige la NASA à mettre tout le reste entre parenthèses. Le problème se posait déjà depuis l’annonce du projet, mais la proposition de budget 2007 déposée devant le Congrès lundi par le président Bush confirme les craintes. Compte tenu des coûts de la guerre en Irak et des dégâts occasionnés par l’ouragan Katrina, l’augmentation des fonds est limitée : 16,8 milliards de dollars, soit 3,2% de plus qu’en 2006. En conséquence, l'administrateur de la NASA, Michael Griffin, a dû revoir ses objectifs à la baisse.

C’est surtout la recherche scientifique qui pâtit : son budget sera de 5,3 milliards, soit seulement 1,5% de plus qu’en 2006 et l’augmentation pour les années à venir ne pourra pas dépasser 1%. D’où l’annulation ou le report de nombreux projets, comme la recherche de planètes semblables à la Terre ou une mission pour l’étude des trous noirs, annulation qui soulève bien des critiques. Louis Friedman, directeur de la Planetary Society en Californie déclare ainsi au New Scientist qu’il décrirait presque l’agence comme une" NASA anti-science ".

La station spatiale internationale, ce projet que mène la NASA depuis 20 ans, sera complétée, grâce aux navettes. Mais il en coûtera de 3 à 5 milliards de plus que prévu pour poursuivre de façon sécuritaire les vols des navettes jusqu'à leurs retraites, en 2010.

Et comme ce minimum suppose de supprimer les projets de recherche dans la station spatiale internationale, certains s’interrogent sur l’utilité d’un laboratoire qui ne fait pas d’expériences, comme la Fédération internationale des techniciens et ingénieurs, qui propose de résoudre les problèmes financiers de la NASA en arrêtant dès maintenant les navettes.

Le plus paradoxal est que le projet de George Bush pourrait bien ne pas aboutir." Aux États-Unis, les nouveaux programmes ont un taux de mortalité infantile très élevé ", explique au New Scientist Howard McCurdy, historien de la politique spatiale à l’Université américaine de Washington DC. En effet, après les présidentielles de 2008, le successeur de George Bush pourrait bien ne pas soutenir la nouvelle orientation de la NASA.

Le risque est d’autant plus grand que faute de moyens, le projet est encore mal ficelé. " Pour le projet Apollo, ajoute McCurdy, le facteur contraignant était l’agenda... C’est l’inverse pour le Projet pour l’exploration de l’espace. Tout est contraint pour coller au budget. " Et le budget a longtemps été incertain : la loi de décembre 2005 qui reprend le projet de Bush ne garantissait aucun fonds.

Il a fallu attendre lundi pour les certitudes. La partie du budget qui couvre ce projet augmente de 76%, jusqu’à un peu plus de 3 milliards de dollars. Cela pourra financer la construction du nouveau véhicule d’exploration, le CEV (crew exploration vehicle) et une mission pour la Lune. Mais les missions suivantes vers la Lune ou même vers Mars ne sont pas envisagées, laissant encore beaucoup d’incertitudes sur le devenir à long terme du projet.

De plus, certains contestent même le principe d’une mission humaine sur Mars, jugeant les robots moins coûteux et aussi efficaces. Comme le souligne McCurdy, " Griffin a encore deux ou trois ans pour ancrer son projet assez solidement pour qu’il ne puisse pas être arraché par le prochain gouvernement. " Sinon la NASA aura perdu son temps et son argent dans un projet qui n’aboutira pas.

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