Avant même qu’elle ne débute officiellement en mars 2007, l’Année polaire internationale (API) est en proie à une controverse. Sous des dehors d’une expédition scientifique dans l’Arctique, le US Geological Survey (USGS) projette de trouver du pétrole et du gaz naturel, en association avec les pétrolières BP et Statoil.

L’API, qui rassemble une soixantaine de pays, vise à coordonner les recherches et les observations d’équipes de scientifiques dans les régions polaires. Ses objectifs sont d’explorer de nouvelles frontières, d’approfondir notre compréhension du réchauffement et de ses implications dans ces régions, d’accroître nos habiletés à interpréter les changements et de former des experts du Grand nord. L'API est sous le couvert du Conseil international des sciences, un organisme non-gouvernemental partenaire des Nations Unies (ONU), et de l’Organisation météorologique mondiale, une institution de l’ONU.

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Difficile, alors, de justifier la présence des pétrolières, d’autant plus que l’effet de serre, principal responsable du réchauffement climatique, provient en bonne partie de la combustion d’énergies fossiles. Selon Chris Rapley, directeur du British Antarctic Survey , qui coordonne les activités scientifiques britanniques aux pôles — cela ne serait acceptable que si ce qui est en toile de fond, c’était la manière de gérer l’extraction des ressources de l’Arctique dans le respect de l’environnement.

En fait, le projet controversé piloté par le USGS n’est qu’une partie d’un projet appelé Arctic Energy Assessment, lequel fait lui-même partie du World Energy Project. Ce dernier vise à cartographier toutes les réserves pétrolifères encore inexploitées et plusieurs autres compagnies, comme ExxonMobil, Texaco et Petro-Canada, y sont associées.

L’USGS affirme toutefois qu’aucune de ces compagnies n’est impliquée directement dans les recherches en Arctique et que leurs contributions financières ont toutes été faites au World Energy project. De plus, il affirme agir de concert avec l’un des buts de l’API, c’est-à-dire estimer les impacts du réchauffement des températures sur les populations locales...

Qu’est-ce qui attire tant les compagnies pétrolières au Pôle nord ? Selon les estimations les plus optimistes, le lit de l’Arctique renfermerait le quart des réserves de combustible fossile encore inexploitées de la planète, soit environ 375 milliards de barils de pétrole. Si cela s’avère juste, c’est une véritable ruée vers l’or qui s’amorcera vers ce territoire vierge et aucune compagnie ne semble intéressée à rester sur le banc.

Or, la fonte de la banquise arctique s’accélère et ouvre ainsi la voie à ce nouveau territoire de chasse pour les chercheurs d’or noir. On estime que la calotte de glace disparaîtra complètement, durant l’été, d’ici 2060.

Les écologistes craignent des dommages considérables à la faune et à la flore arctiques si les pétrolières y élisent domicile. Des centaines d'espèces de plantes et d'oiseaux qui ne se retrouvent nulle part ailleurs risquent d’être affectés par d’éventuelles exploitations. Et c’est sans compter que l’ouverture à la navigation du Passage du nord-ouest, qui traversera l’Arctique pour relier l’Europe à l’Asie, n’est qu’une question de temps, à la vitesse où fondent les glaces.

Jean-Philippe Poulin

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