Monsanto. Enron. Norbourg. Non seulement les grandes compagnies sont-elles fort décriées ces dernières années, mais en plus, on commence à leur demander de se comporter en "bons citoyens". Mais qui les y obligera, si leurs actionnaires n'en tirent aucun bénéfice, si l'État a les mains liées et si les employés ne se préoccupent pas des conséquences?

Une compagnie a-t-elle, en soi, une responsabilité à l'égard de la société? En tout cas, la question imprègne suffisamment la société de 2006 pour avoir engendré deux colloques dans le cadre du congrès de l'Acfas, qui a lieu cette semaine à l'Université McGill. L'un rassemblant surtout des gens des sciences économiques (Ethique, gouvernance et responsabilité sociale des entreprises) et l'autre émanant du secteur des communications: ce dernier était plus précisément axé sur un documentaire canadien intitulé The Corporation.

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Ce film, qui a obtenu un beau succès depuis sa sortie en 2003, part d'un constat: au sens de la loi, la compagnie est une personne. Une "personne morale" et ce, depuis la fin du XIXe siècle. C'est ce qui lui a permis de grossir, d'acheter et de vendre d'autres compagnies. Le langage en a pris acte, multipliant les métaphores: la compagnie agit, s'installe, déménage, dégraisse, etc. Franchissant un pas de plus, le réalisateur du film, Mark Achbar, a décidé de se livrer à une analyse psychologique de cette "personne"... pour en conclure qu'elle est psychopathe (absence d'empathie, incapacité à établir des relations à long terme, etc.)

L'analyse est réductrice, a déclaré d'entrée de jeu Daniel Robichaud, du département des communications de l'Université de Montréal. Mais elle a l'avantage de poser clairement la question: jusqu'où la compagnie peut-elle être tenue responsable de ses "actes"?

Responsabilité civile, pénale, morale, sociétale? demande l'étudiante Yousra Esid, des HEC. Et responsabilité devant qui, ajoute Soumaya Ben Dhaou, de l'UQAM. "Nous avons une responsabilité, admet un des protagonistes du film... à l'égard de nos actionnaires." Une compagnie n'est rien de plus qu'une machine à faire des profits, dit un autre. Dès lors, pourquoi mettrait-elle le pied sur le frein? Parce que l'État l'y obligerait? Celui-ci est au contraire de plus en plus dépendant des compagnies, et ce n'est pas fini, à en juger par l'attrait des partenariats publics-privés (PPP).

Il aurait été intéressant de savoir ce que les économistes de l'autre colloque auraient dit là-dessus, mais l'Acfas n'a pas fait la connection entre les deux groupes.

Reste le citoyen. Il part de loin. Pourtant, une réaction ne peut venir que de la base: c'est la réaction des citoyens au déménagement du casino dans Pointe-Saint-Charles, rappelle l'étudiante au doctorat Anne Goldenberg, de l'UQAM, qui a obligé Loto-Québec à reculer, relançant du même coup le débat sur la responsabilité sociale d'une compagnie... d'État.

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