C'est sûr, il est des sujets plus attrayants que les statistiques sur la science. Pourtant, ce petit ouvrage s'avère une véritable mine d'informations sur les dessous de la recherche et de l'innovation.

Il existe de nombreuses raisons d'y plonger. D'abord, la statistique sur la science célèbre 100 ans cette année. Ensuite, les sommes investies dans les activités de recherche et développement par les sociétés occidentales frôlaient déjà les 750 milliards $ en 2000 (selon l'Institut de statistiques de l'Unesco). Il est important de connaître comment se distribuent, s'octroient et se dépensent ces sommes. Enfin, en parcourant le petit livre de Benoît Godin La science sous observation - Cent ans de mesure sur les scientifiques 1906-2006, ce qui frappe d'abord, c'est notre méconnaissance de son utilité et de ses usages.

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Et pourtant, le Canada figure parmi les pionniers. C'est au début du XXe siècle que l'on développa les premiers instruments de mesure officielle des activités scientifiques des milieux universitaire, industriel et gouvernemental. Avant de s'internationaliser grâce à l'OCDE qui publia, en 1962 le manuel de Frascati, le premier manuel méthodologique destiné à mesurer la recherche.

Le véritable point de départ est la publication en 1906, par James McKeen Cattell, éditeur de la revue Science, d'un répertoire biographique sur les scientifiques américains : American Men of Science. Il marchait ainsi dans les pas de l'historien suisse Alphonse de Candolle qui mesurait déjà en 1873, "les hommes qui ont contribué à l'avancement des sciences". Ce qu'il faut savoir, c'est que ce nouveau répertoire obéissait à une commande d'un organisme américain de philanthropie, Carnegie Institution, pour améliorer l'attribution de ses subventions aux chercheurs.

Les subventions demeurent le cœur du problème: au Canada, leur distribution fait l'objet d'un enjeu politique entre les provinces depuis la fin des années 1970. Enjeu illustré dans le livre vert du Parti québécois sur la politique scientifique de 1979 qui affirmait, statistiques à l'appui, que le Québec recevait alors 14% des investissements fédéraux contre 60% pour l'Ontario. Ce que dément Statistique Canada qui estime à 12% la part québécoise contre 20% pour l'Ontario. Qui dit vrai ? "La statistique canadienne sur la distribution des ressources fédérales est entièrement politique", confirme Benoît Godin, professeur à l'INRS.

Quant à l'innovation, elle est sur toutes les lèvres depuis une quinzaine d'années. " Au point qu'on oublie souvent la science et la technologie qui se profilent derrière (...) L'innovation est maintenant le cliché par excellence de la politique sur la science", relève Benoît Godin. Le fruit de nombreuses enquêtes sur le sujet révèle que 80% des entreprises sont innovantes. " C'est énorme. Tout le monde innove, tout est devenu de l'innovation!", souligne l'auteur qui questionne alors le lecteur : "nos gouvernements ne seraient-ils pas davantage intéressés au contenu qu'au contenant ?"

Ce livre rassemble les textes de trois conférences données par Benoît Godin à la Maison des sciences de l'homme au printemps 2005. Réputé pour ses travaux sur l'histoire des statistiques, ce spécialiste des politiques scientifiques et de l'évaluation de la recherche a mis sur pied le Consortium canadien sur les indicateurs de science et d'innovation. Il s'intéresse particulièrement à la mesure des impacts de la science (économiques, sociaux et culturels) et de la recherche universitaire, ainsi qu'au transfert des connaissances vers la société. Ce livre en est l'une des petites pierres.

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