Sous le nez de ma fille, une fleur dresse fièrement ses pétales de couleurs vives, rose et pourpre. Comme la fleur du Petit Prince, elle semble bomber le torse au milieu de ses voisines. Unique. Cette orchidée appartient au genre cattleyas, peut-on lire sur le petit panneau à ses côtés, dans la Serre des aracées et des orchidées du Jardin botanique de Montréal.

L'orchidée, c'est un peu la fleur symbole du Jardin de Montréal qui a fêté cet été son 75e anniversaire, avec l'inscription dans le grand livre taxonomique des orchidées du genre Teuscheria, inscription que l'on doit à Henri Teuscher, l'un des bâtisseurs du Jardin. Dans l'ombre du frère Marie-Victorin, l'architecte paysagiste bien méconnu des Québécois est pourtant celui qui a dessiné les plans et supervisé la réalisation du Jardin. Il en a été aussi le conservateur durant 20 ans, entre 1942 et 1962.

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Passionné d'orchidées, celui qui était aussi un scientifique et un vulgarisateur prolifique –il publiera plus de 500 articles pour des revues scientifiques américaines et européennes– partageait le même rêve que le frère Marie-Victorin. Celui-là même qui affirmait dès 1929 la nécessité pour la ville de Montréal "d'avoir un grand jardin botanique scientifiquement organisé où l'étudiant pourrait apprendre, où le peuple goûterait cette joie intime et pure qui monte d'un grand jardin".

Pour convaincre le maire d'alors, Camilien Houde (1934), l'auteur de la Flore laurentienne prononce même une tirade célèbre : "À votre ville, il vous faudra faire un royal cadeau. Montréal, c'est Ville-Marie ! c'est une femme (...) Alors pardieu ! Mettez des fleurs à son corsage !"

Cette naissance ne s'est pas déroulée sans heurts. De la crise économique à l'opposition du gouvernement libéral d'Abélard Godbout, en passant par la Seconde Guerre mondiale. Tour à tour menacé d'être transformé en école d'aviation militaire ou en logement pour les fonctionnaires provinciaux, le Jardin pourra compter sur la ténacité et les talents de diplomate de Marie-Victorin pour sortir de terre. Ce long chantier démarré dans les années '30 n'achèvera les travaux d'aménagement du Jardin alpin qu'en... 1962 ! Évoluant sans cesse, ses ramifications se feront thématiques : Jardin du sous-bois (1960), la Roseraie (1976), Jardin japonais (1988), Jardin de Chine (1991), jusqu'au Jardin des Premières Nations (2001).

Le Jardin constitue également un lieu de recherche. Le laboratoire de botanique de l'Université de Montréal, créé en 1920 et devenu l'Institut de recherche en biologie végétale, mène des recherches sur les mécanismes cellulaires, la biodiversité des plantes à fleur ou l'écologie.

C'est là que par exemple, Jacques Brisson se penche sur la rivalité entre les plantes. Une guerre silencieuse pour l'espace, la lumière et l'eau.

Avec ses innombrables événements et expositions, dont la populaire Papillons en liberté, ses ateliers horticoles et conférences données par les Amis du Jardin, c'est surtout dans son rôle de sensibilisation et d'éducation que le Jardin Botanique est reconnu de la population. C'est l'une des destinations choyées des nouveaux arrivants et des visiteurs. Presque personne n'ignore son nom dans la métropole et peu n'y ont pas mis les pieds. Plus de trois générations y ont usé leur semelles. D'ailleurs, c'est promis, nous irons bientôt avec mamie  !

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