Tullirunak, c'est le nom que lui donnent les Inuit. L'orpin rose, à l'allure de plante commune dotée de petites fleurs jaunes ou roses et de larges feuilles vertes poudrées, participe activement à la vie traditionnelle des communautés autochtones du nord du Québec. Mais il est aussi qualifié de “ médicament du 21e siècle ” par les naturopathes, et on lui prête des vertus anti-stress, anti-vieillissement et même de stimulant du système immunitaire.

“ C'est une vedette de la phytothérapie ”, confirme Alain Cuerrier. Le botaniste de l'Institut de recherche en biologie végétale de l'Université de Montréal poursuit des travaux, avec la chercheuse Anne Bruneau et l'étudiante Mariannick Archambault, sur la variabilité génétique des populations québécoises de l’orpin rose (Rhodiola rosea).

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Mieux connaître cette plante et sa provenance pourra permettre de savoir si elle possède les mêmes propriétés phytochimiques que ses sœurs européennes. “ Ce qui pourrait encourager les Inuit à lancer sur leur territoire une mini industrie de phytomédecine pour la commercialiser ”, avance le chercheur. Ils utilisent depuis longtemps cette plante, qui pousse sur le littoral de la baie Ungava (Nunavik) et sur les îles Mingan, comme aliment ou plante médicinale.

Outre-Atlantique —l’orpin rose est connu depuis longtemps de la médecine traditionnelle des pays scandinaves, de Russie et de Mongolie— l'orpin rose fait l'objet d'une curiosité accrue depuis les années 1960. Près de 180 études pharmacologiques, phytochimiques et cliniques ont été publiées sur elle (1). Ici toutefois, cette plante de la famille des Crassulaceae reste encore peu connue. Et donc, ne risque pas de subir une surexploitation comme en Russie !

L'équipe de recherche va se livrer à des analyses morphologiques, moléculaires et même génétiques. Bien avant de penser se livrer à de quelconque bio-essais. “ L'objectif est de vérifier si nous sommes en possession d'une plante similaire, donc que l'on a un bon produit ”, explique Alain Cuerrier.

Le succès naissant des tisanes Boréales —produites par les Inuit— ouvre la porte à un commerce mariant botanique et savoir autochtone. Le botaniste s'intéresse d'ailleurs à d'autres plantes régionales susceptibles d'offrir un bon potentiel pour la communauté et les scientifiques. “ On commence à peine. Il nous faut acquérir plus de connaissances sur ces plantes. Et rassurer les autochtones que ce savoir leur appartient bien ”, relève le chercheur. Une inquiétude très présente au sein des communautés. L'ethnobotaniste l'avait déjà remarqué lors d'un second projet de recherche touchant 18 plantes de la forêt boréale, très connues des Cris, qui offriraient un potentiel antidiabétique prometteur (2).

Le projet sur l'orpin rose bénéficie d'un financement des Instituts de recherche en santé du Canada, de Nunavik Biosciences, mais aussi d'une collaboration de la société de développement Makivik et de l'Institut culturel Avatak.

(1) Rhodiola rosae par le American Botanical Council

(2) Plantes médicinales pour le diabète dans les collectivités cries

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