Une équipe de chercheurs de l’Université Laval vient de mettre au point une technologie versatile qui pourrait servir de base à l’élaboration d’une nouvelle génération de vaccins : des vaccins faits du virus modifié de la mosaïque de la papaye ! On pense y avoir bientôt recours pour prévenir des maladies pour lesquelles il n’existe toujours pas de vaccin ou pour lesquelles le vaccin traditionnel — par exemple contre l’hépatite C, le VIH ou la grippe saisonnière — est d’une efficacité discutable. Cette technologie, décrite dans les périodiques scientifiques Journal of Virology, Virology et Journal of Immunology, pourrait même traiter certains cancers par immunothérapie.

C’est la première fois que la transformation d’un virus de plante permet de produire un vaccin qui catalyse une puissante réponse immunitaire lors de tests chez la souris, tant pour la production d’anticorps que pour le déclenchement d’une réponse cellulaire. Cette capacité à enclencher les deux branches du système immunitaire est inédite en vaccination.

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Cette biotechnologie médicale pourrait pallier, dans les années à venir, aux déficiences des vaccins actuels qui ne sont pas toujours une panacée. « Pour un virus végétal, c’est de loin celui qui aura été le plus caractérisé pour la vaccination », souligne Denis Leclerc, le virologue du Centre de recherche en infectiologie du CHUL à la tête de l’équipe à qui l’on doit cette découverte. Le virus de la mosaïque de la papaye aurait un potentiel impressionnant pour devenir la meilleure plateforme vaccinale à base de virus végétal et dépasser en efficacité des vaccins traditionnels.

Le virus de la papaye est répandu en Bolivie, au Pérou, aux États-Unis, au Mexique et au Venezuela, mais la proportion de plantes atteintes varie d’une région à l’autre. Celles-ci présentent des taches sombres sur leurs feuilles, car le virus entraîne la nécrose, la mort cellulaire. Comment un virus de fruit exotique peut-il être porteur de si grands espoirs? Les virologues et les immunologistes ont commencé à s’y intéresser à cause de sa forme, qui explique une bonne part de son succès vaccinal. Il s’agit d’un bâtonnet flexible formé de plusieurs copies d’une seule protéine, arrangées en spirale. «C’est un signal d’alarme pour le système immunitaire, car il n’y a pas de protéines semblables chez l’humain», explique Denis Leclerc. Même si ce virus déclenche une alarme au sein de notre corps, il ne présente aucun risque de provoquer une maladie.

L’astuce consiste à se servir de ce signal provoqué par le virus de la papaye pour attirer les cellules immunitaires. En modifiant ce virus pour qu’il porte à sa surface des morceaux d’autres microbes, comme le virus de la grippe, non seulement la guerre immunitaire est déclarée au virus de la papaye, mais aussi aux nouveaux microbes. Le virus de la papaye sert donc d’allié pour diriger le combat vers une autre cible.

Plusieurs vaccins traditionnels contiennent déjà ces additifs, les adjuvants, qui bonifient la réponse immunitaire. Ici, le virus de la papaye sert d’adjuvant puissant aux morceaux de microbes qui y sont apposés. En plus, selon le virologue, ce pourrait bien être l’adjuvant le plus puissant et le plus sécuritaire à ce jour. Il envisage l’adaptation du vaccin papaye pour combattre plusieurs virus, et même certaines bactéries, et ce, en une seule dose.

La puissance de ce nouveau vaccin réside en sa capacité à activer le deuxième régiment du système immunitaire, la réponse cellulaire. En effet, en plus de la stratégie bien connue des anticorps, le système immunitaire produit des cellules «tueuses» spécialisées. Leur mission : reconnaître les cellules infectées de notre corps et les détruire pour éviter la propagation de l’infection. Des collaborateurs de Denis Leclerc, les chercheurs Réjean Lapointe, du CHUM, et Alain Lamarre, de l’Institut Armand Frappier, ont montré que le virus de la papaye est capable de mettre en branle ce deuxième régiment dans des cellules humaines. Il y parvient en utilisant un mécanisme encore méconnu et inhabituel mis au jour récemment par une autre équipe montréalaise. C’est la première démonstration que des virus de plante modifiés peuvent entraîner cette puissante réponse. Grâce à elle, la plateforme papaye pourrait servir à combattre des infections chroniques et des cancers par l’avènement de nouveaux traitements d’immunothérapie comme l’espère Réjean Lapointe, oncologiste.

La technologie est au point en laboratoire et les tests préliminaires chez la souris donnent d’excellents résultats sans effets secondaires. En plus, les vaccins papaye pourraient être stockés pour de longues périodes sans réfrigération, ce qui constitue un avantage majeur. Toutefois, la mise en marché de vaccins innovateurs est un processus long et surtout coûteux. Selon Denis Leclerc, il peut en coûter de 400 à 500 millions de dollars avant qu’un vaccin ne soit offert à la population. Ce long périple est nécessaire, puisqu’un vaccin doit être d’une sécurité absolue. À ce prix, difficile de financer ceux destinés à des maladies sévissant surtout dans les pays du tiers monde. Il reste encore beaucoup de travail pour en arriver à un traitement contre le cancer ou vaccin universel. Denis Leclerc a confiance qu’un financement industriel permettant les tests cliniques nécessaires émergera d’ici deux ans.

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