Le Proche-Orient n’a peut-être pas eu le monopole de l’invention de l’agriculture, après tout. De nouvelles découvertes en Amérique du Sud font à présent remonter à 10 000 ans l’âge des plus anciennes plantes cultivées.

Des archéologues viennent en effet d’annoncer avoir découvert, dans les Andes péruviennes, d’aussi anciennes graines de squash, en même temps que des semences de noix vieilles de 8000 ans et de coton vieilles de 6000 ans. Squash est, dans les Amériques, un terme générique pour l’une des trois catégories majeures de cultures pratiquées par les anciens Amérindiens, les autres étant le maïs et les fèves.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

La grosse difficulté dans de telles recherches est de distinguer entre la plante qui pousse naturellement, et dont des humains ont pu se nourrir pendant des milliers d’années, et la même plante, ou presque, que des humains cultivent pour leur seul bénéfice. Or, ces dernières années, les découvertes à ce sujet se sont multipliées, au point où ceux qui cherchent des réponses à ce type de questions, les archéobotanistes, disent désormais que le processus a dû s’étendre sur des milliers d’années (jusqu’aux années 1980, on parlait plutôt de quelques siècles).

Dans le cas qui nous occupe ici, celui des Andes péruviennes, les fouilles pratiquées par une équipe américaine dirigée par Tom Dillehay, de l’Université Vanderbilt à Nashville, Tennessee, amènent cette équipe à conclure que le squash était cultivé en Amérique centrale et du Sud il y a environ 10 000 ans. Ceci parce que leurs découvertes n’arrivent pas seules : elles s’ajoutent à celles menées dans d’autres parties d’Amérique centrale et du Sud, qui avaient progressivement fait reculer l’âge des premières cultures à 6000 ans, puis 8000, puis 10 000 (lire entre autres Les agriculteurs d’Amérique ont 10 000 ans).

Dix mille ans, cela veut dire immédiatement après la fin de la dernière époque glaciaire : il y a d’ailleurs un bon siècle que les préhistoriens postulent que c’est précisément la raison pour laquelle c’est à cette époque qu’on assiste, au Proche-Orient, à une accélération de la marche vers nos sociétés modernes.

Depuis les années 1990, de plus en plus d’experts, comme Tom Dillehay, recherchent donc des indices comme quoi ce processus se serait aussi effectué, en même temps et indépendamment, sur le continent américain.

Sauf que c’est en train de devenir encore plus compliqué : les découvertes archéologiques récentes conduisent les archéobotanistes, pour l’instant, à parler de dix « centres d’origines » de l’agriculture, peut-être tous indépendants les uns des autres. Outre le bon vieux Proche-Orient, incluant l’antique Mésopotamie (l'Irak actuel), on trouve dans leur liste l’Afrique subsaharienne, le Sud de l’Inde, l’Amérique centrale et même la Nouvelle-Guinée. « Partout dans le monde, résume dans Science l’archéobotaniste de l’Institut Smithsonian Dolores Piperno, des gens ont effectué ces premiers pas et commencé à cultiver des plantes ».

Reste à savoir pourquoi ces gens-là, plutôt que d’autres, ont décidé de cultiver ces plantes, pourquoi ces plantes plutôt que d’autres et pourquoi dans ces régions-là. Une histoire fascinante, parce qu’elle constitue le prélude à notre propre « Histoire » avec un grand H, et qui n’a pas encore été écrite.

Je donne