L’effondrement du viaduc de la Concorde, à Laval, aurait-il pu être évité ? Les experts de la commission d’enquête, présidée par Pierre-Marc Johnson, relevaient le 10 juillet dernier que de nombreuses inspections avaient montré de nombreuses fissures dans la structure. Le viaduc était en piètre état depuis près de 15 ans !

Conclure à la négligence n’est toutefois pas si simple. « L’échangeur Turcot montre également de nombreuses fissures, mais elles ne sont pas sur la partie qui travaille. Il possède un cœur sain », précise Gérard Ballivy, titulaire de la Chaire Industrie-CRSNG sur l’auscultation des structures de béton.

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Sans s’avancer sur l’état du viaduc de la Concorde, qui fait l’objet d’un travail d’enquête, le directeur du groupe de recherche en auscultation et en instrumentation (GRAI) rappelle que tous les ponts et autres viaducs du Québec ne font pas l’objet de surveillance.

Seuls 10 % le seraient en raison de leur histoire, de leur fonction ou encore de leur achalandage. Et seulement une trentaine d’entre eux, soit près de 1 %, nécessiteraient une intervention à court terme, laquelle incombe au propriétaire de l’ouvrage.

Un problème de granulats

Si le béton est un matériau solide, il présente aussi de nombreux défauts au cours du temps : fissures, craquelures, morceaux qui se détachent, etc. Ces problèmes proviennent de la nature même du béton. Il se compose d’une pâte de ciment et de près de 60 % de graviers et autres cailloux, appelés granulats.

« Ces granulats sont souvent plus gros que les défauts que l’on recherche. Ils ont des propriétés différentes du ciment. C’est un handicap surtout dans les ouvrages architecturaux » relève Gérard Ballivy. C’est pour cela que de nombreux ouvrages sont sous surveillance constante à l’aide d’une foule d’instruments reliés à un ordinateur central. Entre 300 et 400 appareils épient ainsi le Stade Olympique de Montréal. « Ils vérifient les déplacements du toit qui monte en été et descend en hiver, l’arbre du mât, les fissures dans la structure ». Pourtant la surveillance du stade, et de son drôle de mât, s’avère moins compliquée que celle du Biodôme. « En raison de sa grande voûte » dit le directeur du GRAI.

Dans l’œil des experts

Le GRAI est l’un des maillons du groupe de recherche et d’étude sur le béton de l’Université de Sherbrooke (GREBUS). Il dispose de vastes installations et d’un équipement de pointe : laboratoire de mécanique des roches, chambre humide, caméra de forage, deux radars, un système de spectroscopie ultrasonore, un système de mesure du potentiel de corrosion, etc.

Toutes les techniques géophysiques et d’exploration minière sont mises à profit lors de l’auscultation des structures de béton, jusqu’au radar permettant de détecter de fines fissures (10 microns) dans les tabliers des ponts. « L’avantage des radars, c’est que l’auscultation ne perturbe pas la circulation. Et pas besoin de forage non plus. On place l’appareil dans le nez du camion et quelques passages à 50 km/h fournissent un diagnostic », explique le chercheur.

Son équipe se penche actuellement sur un gros projet : l’auscultation des écluses de la voie maritime. La Corporation de gestion de la voie maritime du Saint-Laurent est d’ailleurs l’un des partenaires du groupe de recherche, avec notamment Hydro-Québec et le ministère des Transports du Québec. Construites il y a 48 ans, les écluses, longues de 1,5 km sur 15 mètres de large vieillissent d’autant plus vite que les granulats (alcalins) réagissent avec l’humidité et se séparent de la base de ciment (basique) entraînant l’apparition de failles. « Si un bloc de ciment tombe, cela risque de bloquer le trafic durant 2 ou 3 jours et occasionner de nombreux dégâts » explique Gérard Ballivy. Son équipe vérifie donc actuellement ces structures en s’appuyant sur des modèles de simulation de la vitesse de désagrégation du béton. Cette auscultation précède un imposant programme de réparations conjointes Canada - États-Unis prévu pour 2009-2012.

Pour en savoir plus

Groupe de recherche en auscultation et instrumentation (GRAI)

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