Marcher jusqu’à l’épicerie du quartier ? Les banlieusards traîneraient plutôt les pieds à cette idée. La plupart des résidants n’emboîtent pas le pas pour adopter cette saine habitude. Ils privilégient plutôt le lointain supermarché « attractif, pas cher et diversifié » et s’y rendent de préférence en voiture ! Voilà ce qui ressort d’une petite enquête exploratoire réalisée par une étudiante au département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal.

À l’ère du panier d’épicerie santé où figurent bon nombre de produits allégés, minceurs et naturels, les gens s’avèrent toujours dépendants de leur auto pour aller faire leurs courses. « Manque de temps, sacs trop lourds, possibilité de diversifier leurs achats… toutes les excuses sont bonnes. Ils ne veulent pas marcher », relève Louise Larrivée.

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Lors d’un stage à l’institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), elle s’est intéressée à la perception et à la relation à l’aménagement urbain de deux groupes de résidants de Longueuil à travers leur façon de faire les courses pour s’alimenter. Le premier groupe disposait à proximité de deux dépanneurs, deux supermarchés, deux épiceries et d’une boulangerie. Les supermarchés et les épiceries étaient cependant situés sur un grand boulevard, côté opposé à leur quartier. L’autre groupe bénéficiait de cinq dépanneurs, d’un commerce d’aliments exotiques, mais d’aucun supermarché ni épicerie à proximité de leurs logis, les deux supermarchés du quartier étant dans ce cas-ci situés à trois kilomètres.

Résultat : 14 personnes sur 15 d’un groupe préfèrent traverser le boulevard ou faire de la route pour faire leurs courses au supermarché. Choix de la moitié de l’autre groupe, soit huit personnes sur 15. « Ils affirment y trouver une meilleure offre, notamment plus d’aliments santé. Le centre d’achat est aussi très attractif » relève Louise Larrivée. De plus, 27 personnes sur 30 prennent leur auto pour faire leur alimentation.

Gain de temps

« Ça va vite ! » Avec le poids des sacs, le manque de temps s’avère la première raison invoquée. Cela même si le supermarché est souvent plus éloigné. Les épiceries de proximité seraient plutôt utilisées comme… des dépanneurs ! « On y va une fois par semaine lorsqu’il nous manque quelque chose » relève Louise Larrivée.

Faire son marché n’est ainsi que le premier maillon d’une chaîne de déplacements où diverses activités se succèdent. Reléguées au samedi matin, les courses suivent alors le cours de natation du petit, précèdent les achats à la pharmacie, etc. Interrogés sur les commodités de leur aménagement urbain, presque tous les répondants (28 sur 30) se sont déclarés satisfaits. Certains soutenant que de créer d’autres épiceries plus proches augmenterait même le trafic automobile dans leur voisinage, chose qu’ils ne désirent pas.

Les conclusions de ce premier – et modeste — sondage ont poussé l’étudiante à se questionner sur l’urbanisme santé qui vise à lutter contre l’obésité et les maladies cardio-vasculaires. Si le concept fait de plus en plus d’émules depuis une vingtaine d’années — certaines villes, telle Genève incite même leurs résidants à marcher pour leur santé — l’étalement urbain nord-américain ne privilégie pas l’implantation de tels projets, de même que certaines habitudes enracinées depuis des décennies.

Loin de prôner l’arrêt des projets d’urbanisme santé de plus en plus populaire, Louise Larrivée pense que c’est le temps de se questionner sur la façon d’adapter cet idéal à la réalité québécoise. « Ma grand-mère stockait une grande quantité de nourriture surtout lorsque l’hiver arrivait. Les femmes sont encore responsables de l’épicerie, seront-elles prêtes à le faire en marchant ? Ne préfèrent-elles pas faire de l’exercice à un autre moment ? », se demande Louise Larrivée. Poser la question, c’est un peu y répondre.

Pour en savoir plus

Plan Piétons de la Ville de Genève

Institut National de la santé publique du Québec (INSPQ)

Voir aussi Politiques publiques et santé

Sli na Slainte (le Chemin vers la santé) du Irish Heart Foundation

Le projet Villes-Santé

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