L’enthousiasme débridé du milieu hospitalier pour les Crocs est compréhensible : ces chaussures sont parfaites pour les longues heures de travail des infirmières ! Elles sont confortables, aérées, légères, silencieuses, lavables, antidérapantes et leur matériau, antibactérien. Mais voilà qu’on apprend aussi qu’elles peuvent être dangereuses. Contamination aux fluides biologiques via les trous d’aération, chevilles tordues en raison du manque de support au talon et disjonction d’appareils médicaux due à l’effet isolant du matériau. Les souliers Crocs sont-ils vraiment dangereux ?

Le principal reproche fait aux populaires sabots porte sur les trous d’aération. Des fluides biologiques provenant de patients pourraient effectivement entrer en contact avec les pieds des utilisateurs de Crocs. « Mais les fluides biologiques sont rarement dangereux », déclare le chirurgien Stéphane Lebel de l’Hôpital Laval à Québec et porteurs de souliers Crocs. Et, encore faut-il qu’il y ait une porte d’entrée dans la peau comme une coupure pour être contaminé. Le risque s’amenuise d’autant. Les statistiques de la Commission de la Santé et de la Sécurité du travail (CSST) indiquent d’ailleurs qu’entre 2002 et 2006, il n’y a eu qu’un seul cas déclaré de piqûre au pied chez les infirmières. C’était en 2002, avant l’invasion des Crocs.

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Le soutien déficient du talon causant des entorses aux chevilles est aussi pointé du doigt. Pour la plupart des modèles, seule une ganse mobile retient le pied lâchement dans la chaussure. Or, dit l’Ordre des infirmières du Québec, les infirmières doivent pouvoir courir de façon sécuritaire en situation d’urgence. Selon les statistiques de la CSST, il y a eu annuellement, depuis 2002, entre 2 et 6 infirmières blessées au genou, à la cheville ou au pied pendant qu’elles couraient. Impossible de savoir si elles portaient des Crocs, mais le nombre d’accidents ne semble pas avoir augmenté depuis l’usage quasi universel des chaussures dans ce corps professionnel.

Ladite chaussure de résine serait aussi accusée d’avoir fait disjoncter des appareils médicaux en Scandinavie. Une supposée décharge d’électricité statique emmagasinée. Comment peut-on l’expliquer ? « En général, les polymères sont isolants et n’accumulent pas de charges. En ne sachant pas la nature du polymère utilisé dans la fabrication des Crocs, il est difficile de se prononcer », hésite Jean-François Morin, professeur de chimie à l’Université Laval. La composition de la matière résineuse dont sont faites les chaussures, le Croslite™, est en effet protégée par un brevet.

Marie-Sophie Roussin, porte-parole de la compagnie, certifie que le Croslite™ est « à structure microscopique faite de cellules fermées qui empêchent les bactéries d’entrer. » Elle avertit qu’aucun scientifique à l’emploi de Crocs n’est autorisé à parler aux journalistes. Peu d’informations filtrent donc pour comprendre ce qui a pu faire flancher des appareils électriques au contact de porteurs de Crocs. Geneviève Villemure-Denis, porte-parole du Ministère de la Santé, confirme qu’il n’y a aucune information sur de tels événements au Québec.

Ni l’Ordre des infirmières, ni les hôpitaux contactés par l’ASP ne se prononcent précisément contre les Crocs. « Il y en a un grand nombre de souliers qui ne conviennent pas. On ne va pas détailler chaque type qui est interdit. C’est devenu un procès d’intention contre les Crocs ! », déplore Simon Poitras porte-parole des hôpitaux St-Sacrement et Enfant-Jésus de Québec.

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