Agence Science-Presse) - George W. Bush n’aimera pas le Prix Nobel de médecine de cette année. Il constitue la consécration de la découverte des cellules-souches. Cette même découverte qui, 25 ans plus tard, cause tant de soucis politiques.

C’est qu’en 1981, le Britannique Martin Evans, de l’Université de Cardiff, en Grande-Bretagne, ne se contenta pas de les « découvrir » : il prouva que ces cellules-souches embryonnaires, c’est-à-dire les premières cellules qui apparaissent après la rencontre du spermatozoïde et de l’ovule, sont pluripotentes : cela signifie qu’elles ne sont pas encore spécialisées. Elles peuvent devenir n’importe quoi : cellules cardiaques, cellules neuronales, cellules de la peau, du sang, des poils, etc.

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Cinq ans plus tard, un Italien et un Britannique, Mario Capecchi et Oliver Smithies, qui partagent aujourd’hui le Nobel avec Martin Evans, devinrent les premiers à faire naître des souris dont ils avaient « désactivé » certains gènes avant la naissance.

Evans a démontré qu’il existait un mécanisme, caché au coeur de ces cellules « originales », qui envoyait un signal lors des futures divisions cellulaires : toi, tu deviendras un poumon; toi, tu deviendras un rein. Capecchi et Smithies ont effectué un premier pas vers la manipulation des gènes dès le stade embryonnaire.

Dès lors, la question allait hanter les chercheurs : pourrait-on contrôler ce processus chez les humains, par exemple pour fabriquer des poumons ou des reins à volonté, en vue de transplantations? Pourrait-on un jour en arriver à « parler » le « langage » des cellules souches et des gènes? Vingt-cinq ans plus tard, la question est le moteur même de l’un des domaines de la recherche scientifique les plus prolifiques... et les plus controversés.

Controversés, parce que, bien sûr, qui dit cellules souches dit embryons. Et qui dit embryon dit controverse...

Avant d’en arriver là, les expériences menées par Capecchi et Smithies (aujourd’hui citoyens américains) ont conduit à la création de plus de 10 000 souris nées avec un gène délibérément désactivé, afin de voir s’il en résulte une maladie ou une malformation. On espère ainsi identifier les gènes qui, dès le stade embryonnaire, sont responsables d’un mauvais développement du bébé —en fait, selon le New Scientist, on a déjà « testé » de cette façon plus de la moitié du génome. On en arrive au point où, en 2007, il est possible de faire naître une souris avec une mutation qui apparaît dans un organe à un moment choisi.

De cette façon, à tâtons, on comprend, fragment par fragment, le « langage » des cellules souches et des gènes.

« Le développement de technologies ciblant des gènes dans la souris a eu un impact profond sur la recherche médicale », résume Stephen O’Rahilly, de l’Université de Cambridge, en Angleterre. « Grâce à cette technologie, nous avons une bien meilleure compréhension de la fonction de gènes spécifiques dans l’organisme, et une plus grande capacité à prédire si des médicaments seront bénéfiques. »

A deux reprises, le président Bush a opposé son veto à un projet de loi du Congrès qui aurait mis fin à l’embargo sur la recherche autour des cellules souches humaines (l’embargo empêche virtuellement tout groupe financé par des fonds publics de toucher aux cellules souches). La décision du Comité Nobel pèsera-t-elle dans la balance politique? Les premiers observateurs invités à commenter là-dessus ce lundi, sont plutôt sceptiques...

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