Les congrès scientifiques internationaux génèrent beaucoup de gaz à effet de serre —à cause des voyages en avion. Est-il temps de changer cela? Quelques associations de scientifiques tentent de prendre le virage vert —mais le dilemme est lourd : la science ne repose-t-elle pas justement sur des discussions et des rencontres?

Tous les domaines scientifiques, les grands comme les petits, ont une chose en commun : un gros congrès par année. Et plus le domaine est gros, plus ces congrès sont internationaux. En fait, aux États-Unis, même quand ils ne sont « que » nationaux, ça veut tout de même dire beaucoup de déplacements : la dernière rencontre annuelle de l’Union géophysique américaine, à San Francisco, a accueilli 9500 participants parcourant une moyenne de 7971 kilomètres chacun.

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Pour réduire leur « facture de carbone », les organisateurs ont donc commencé, certains depuis des années, à poser des gestes significatifs : sacs réutilisables, élimination des verres en styromousse, amincissement de la version imprimée du programme, etc.

Abolir les voyages en avion?

Reste que la pierre d’achoppement, d’un point de vue « vert », ce sont les déplacements aériens. Selon la Société pour la conservation de la biologie (SCB), 95% des gaz à effet de serre émis par cette organisation proviennent des avions qui amènent ses membres au congrès annuel. La SCB et l’Ecological Society of America (ESA) ont commencé à proposer des « taxes du carbone » à leurs membres qui arrivent par avion : à titre d’exemple 20$ de plus en frais d’admission, qui seront réinvestis en projets tels que la plantation d’arbres.

Or, racontait récemment la revue Science, même au sein de l’Ecological Society of America, cette idée a mis du temps à... prendre racine. Ce n’est qu’au congrès de cette année que, pour la première fois, un nombre appréciable de membres (500 sur les 3600 inscrits) ont sauté sur l’idée. Imaginez les associations moins écologiques...

Peut-on imaginer la solution la plus radicale, c’est-à-dire la réduction du nombre de rencontres? Lorsque le conseil d’administration de la Société pour la conservation de la biologie l’a proposé, le vote a été divisé à parts égales —huit contre huit.

Un compromis pourrait être de choisir une ville plus centrale, propose un des administrateurs de cette association, Paul Beier, biologiste à l’Université d’Arizona du Nord. Les partisans de cette option citent une étude, non publiée, de David Scott et Lawrence Plug, de l’Université Dalhousie à Halifax (Nouvelle-Écosse), qui avait comparé deux congrès tenus en 2002, dont celui de l’ESA : si ce dernier avait été tenu à Omaha, Nebraska, plutôt qu’à Tucson, Arizona, les émissions de gaz à effet de serre en auraient été réduites de 13%.

Autre compromis, mais que les « malchanceux » jugeront radical : limiter le nombre de participants, spécialement les participants de l’étranger. La proposition provient du géographe britannique Edward Hall, de l’Université de Dundee, qui a analysé le dernier congrès de la Société royale de géographie; les résultats sont parus dans Area, publication de cette association. Il en ressort que 95% des 810 tonnes métriques de carbone émises par les 4 millions de kilomètres parcourus par les participants résultent de voyages internationaux.

Mais on pourra rétorquer à cela qu’un congrès britannique attire un plus grand nombre de participants internationaux —si on compte les Irlandais, les Français ou les Allemands— qu’un congrès américain...

Un dernier facteur pèse dans la balance : le congrès scientifique constitue une « industrie » en pleine expansion. Un fournisseur de services, Conference Service Mandl, en recense 4000 dans les deux prochaines années. Et les congrès eux-mêmes grossissent : celui de l’Union géophysique américaine est passée de 5000 à 6000 participants en cinq ans, sans compter celui de cette année; et le congrès Neuroscience est passé de 1500 en 2005... à 35 000 cette année. Comment mettre un frein, et faut-il seulement mettre un frein?

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