Le travail stressant est mauvais pour le cœur. Il provoquerait même des crises cardiaques chroniques chez d’anciens patients revenus au travail. «Ces personnes ont deux fois plus de risque de faire un autre infarctus», confirme Corine Aboa-Éboulé, une cardiologue originaire de Côte-d’Ivoire établie au Québec. L’originalité de sa recherche est d’établir un lien entre les récidives au sein de la population active et le stress au travail.

L’équipe de chercheurs de la faculté de médecine de l’Université Laval, dont fait partie Mme Aboa-Éboulé, s’est penché sur les récidives des infarctus pour découvrir que le stress au travail présente un risque majeur pour ceux qui ont déjà connu un épisode de crise cardiaque. Les résultats de cette recherche viennent d’être publiés dans une récente édition du Journal of the American Medical Association.

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Une cohorte de 972 personnes a été suivie entre juin 2005 et février 1996. Ces personnes, âgées de 35 à 59 ans, étaient toutes retournées au travail après un premier infarctus. Au cours de cette période, une personne sur quatre a connu une rechute — 206 connaissaient une récidive, dont 124 un nouvel infarctus — essentiellement liée au stress vécu lors de leur emploi.

Deux ans après...

Une période de deux ans serait particulièrement critique pour les infarctus chroniques. «C’est le laps de temps nécessaire pour que la personne soit suffisamment exposée au stress. À partir de là, on commence à mesurer des effets négatifs», explique la doctorante.

Interrogés à différentes reprises par téléphone — six semaines après leur retour au travail, puis deux ans et six ans après — ces patients ont communiqué des informations sur leur état de santé, le stress vécu au boulot, etc. Ce qui a permis à la chercheuse de bâtir un modèle fiable soutenu par un algorithme sur les effets du stress au travail au sein de cette population.

Même si on associe plus souvent le stress professionnel aux infirmières qu’aux cols bleus — qui connaissent pourtant un taux élevé de maladies coronariennes — un travail stressant se retrouve dans toutes les sphères d’activité, et quelque soit le poste occupé.

Trop de travail et pas assez d’autonomie

Le cocktail le plus risqué est de mélanger une forte demande psychologique (travail intellectuel exigeant, nombreuses heures, forte pression, etc.) à une faible latitude décisionnelle (travail peu créatif, pas d’autonomie, etc.). L’un des moyens de désamorcer le risque de voir surgir un autre infarctus serait d’ailleurs de modifier les conditions de travail permettant à l’employé d’utiliser au mieux ses compétences et sa créativité.

«Notre étude ne désirait pas modifier les choses», tempère toutefois Mme Aboa-Éboulé. Surtout que le stress chronique touche seulement une personne interrogée sur dix. Elle soutient toutefois qu’un employé à qui l’on redonne un peu d’autonomie et de latitude décisionnelle dans sa tâche s’impliquera mieux au travail. Ce qui risque d’avoir un effet positif sur la santé de son cœur.

Pour en savoir plus

«Job Strain and Risk of Acute Recurrent Coronary Heart Disease Events» par Corine Aboa-Éboulé, Chantal Brisson, Elizabeth Maunsell, Benoît Mâsse, Renée Bourbonnais, Michel Vézina, Alain Milot, Pierre Théroux et Gilles R. Dagenais dans l’édition du 10 octobre de JAMA :

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