Doga, ça vous dit quelque chose ? C’est un nouveau concept de cours de yoga pour chiens. Après les colliers, manteaux, chapeaux et accessoires dernier cri, on s’intéresse aujourd’hui au bien-être de nos amis les bêtes. Massothérapie, thérapie cognitive, acupuncture, pilules du bonheur font désormais partie de la panoplie des soins qu’on leur accorde. Effet de mode, phénomène de société, dérive commerciale, déviance psychologique des maîtres ? Face à l’ampleur du phénomène canin à travers le monde, il y a de quoi s’interroger ! Et les réponses des spécialistes — vétérinaire, éthologue et psychologue — ne manquent pas de mordant…

Toutou chez son psy

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Vous pensiez que vos états d’âme et vos angoisses vous rendaient profondément humains ? Détrompez-vous ! Nos petits compagnons de vie ont eux aussi leur lot de stress, de peurs et de névroses. « Les troubles du comportement ont une nature génétique et environnementale. Les recherches actuelles montrent que 8 % à 10 % des chiots ont des prédispositions à développer des troubles du comportement. Si l’environnement renforce le terrain génétique, ces animaux deviendront phobiques, hyperstressés, etc. », explique le Dr Martin Godbout, vétérinaire comportementaliste au groupe vétérinaire Daubigny à Québec. Pour venir en aide à ces animaux caractériels, il recommande, en plus éventuellement d’un petit Prozac — sur ordonnance exclusivement — d’engager une thérapie appropriée. « La thérapie se fait avec le chien et son maître et dure entre 3 et 18 mois. L’objectif est de rééduquer l’animal positivement. Pour ce faire, on utilise, entre autres, des jeux pour développer ses capacités d’apprentissage et d’intelligence dans une démarche toujours respectueuse de sa personnalité ; la tape et la punition sont totalement proscrites », conclut Martin Godbout. Gage de qualité : testé sur humains stressés !

Aujourd’hui, la tendance est à la santé holistique : soigner le tempérament physique et mental en tenant compte de l’ensemble des symptômes. Par exemple, l’acupuncture, seule technique médicale traditionnelle reconnue officiellement par l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec, donne d’excellents résultats. Autre exemple, la massothérapie. Constatant le bien-être que les massages aux huiles essentielles procurent aux humains, les amoureux des animaux de compagnie ont décidé d’en faire profiter nos amis les bêtes. En conséquence, on voit fleurir en ville des spas chics et spécialisés où toilettage, teinture, détartrage et autres gâteries sont offerts pendant que les maîtres échangent compliments et conseils en sirotant un capuccino. Un hôtel de luxe, Hôtel Muzo, s’est même ouvert à Montréal offrant pour la modique somme de 80 $ une suite présidentielle pour votre chien. Une idée de cadeau d’anniversaire original dont il vous sera reconnaissant longtemps ! Qui mène qui par le bout du museau ?

« Depuis une trentaine d’années, la perception de l’animal a beaucoup changé, explique Richard Baudet, éthologue, professeur, membre de la Société d’éthologie internationale et membre honoraire de l’Alliance internationale des intervenants en comportement animal (AIICA). Autrefois, on vivait avec un animal, aujourd’hui on possède un animal. Et ce, essentiellement pour quatre raisons : l’animal est un miroir de nos propres émotions, il nous permet de tisser des liens dans la société, il permet également d’assouvir notre besoin hiérarchique – qui ne domine plus sa femme domine son chien ! Et enfin, il participe à l’organisation sociale, nous responsabilise, etc. »

Pour Georges-Henri Arenstein, psychologue et zoothérapeute, membre de l’Ordre des psychologues et de l’AIICA, l’animal domestique apporte une réponse affective idéale aux grands insécures et anxieux que nous sommes devenus. « Les incertitudes du monde actuel tant économiques qu’environnementales, génèrent de plus en plus d’insécurité et d’anxiété. Prendre soin d’un animal est une manière socialement acceptable de gérer et combler cette insécurité », analyse le psychologue. C’est aussi une manière de s’occuper de soi. Entre le chien et son maître, qui a fondamentalement besoin de massage ? « La projection est une fonction bien connue en psychologie. Elle consiste à attribuer à autrui des émotions, des sentiments et des besoins qui nous appartiennent. Par exemple, une personne qui trouve son chien triste est certainement triste elle-même, mais n’en a pas conscience », explique-t-il. Projection, insécurité, l’animal serait-il un « thérapeute » pour l’homme ? Au centre hospitalier de Laval à Québec, on a constaté que l’absorption de médicaments par des enfants atteints du cancer se passe beaucoup mieux en présence d’un chien. Pas besoin pourtant d’être un cas extrême pour s’assurer de sa fonction réconfortante : entre votre patron, votre belle-mère et votre chien, quelle compagnie préférez-vous ? Appeler un chat, un chat ! « Pour autant, considérer l’animal comme un humain, qui ressentirait par exemple la jalousie, la fidélité ou de l’attachement à son maître, c’est de l’anthropomorphisme ! » ajoute Richard Baudet. « L’animal est un animal et il utilise l’humain pour survivre ! Ceci n’empêche pas les animaux de souffrir d’anxiété, mais pour la majorité d’entre eux, il s’agit de dysfonctionnements de la communication avec leur maître. De plus, leurs angoisses sont propres à leur espèce. La mode actuelle qui consiste à s’occuper des animaux comme des humains est tout à fait contre nature », conclut l’éthologue.

Aïe ! Réduire nos petits compagnons au rang d’animal n’est pas bon pour le moral ! Mais se rappeler, comme le précise Richard Baudet, que, sous nos airs d’hommes et femmes civilisés, nous sommes des bêtes, pardon, des animaux dominants, est bien pire ! Ça mérite bien un petit câlin de notre toutou !

Au pied, Fido ! … Gentil, gentil…

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