On a peut-être identifié la plus récente des catastrophes climatiques « pré-humaines ». Et c’est un lac du Canada qui en est le responsable.

Il y a environ 8000 ans, un immense lac glaciaire couvrant une grande partie de ce qui est aujourd’hui le Manitoba et l’Ontario a « trop fondu » : autrement dit, la cuvette a dépassé son seuil de saturation. Les eaux ont débordé, de la même façon qu’un bol rempli de glace presque à ras bord, finira immanquablement par déborder si on fait fondre toute la glace.

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Selon les estimations, ce seraient alors 10 000 kilomètres cubes d’eau douce qui se seraient déversées dans les eaux salées de l’Atlantique Nord, provoquant le genre de débalancement que craignent les climatologues qui gardent un oeil sur les courants marins.

De quel débalancement parle-t-on ici? Celui du Gulf Stream : si on parvenait à couper ce courant marin qui entraîne les eaux chaudes des Antilles jusqu’aux rives de l’Europe, on refroidirait du même coup l’ensemble de l’hémisphère Nord de quelques degrés.

Certes, ce n’est pas quelque chose qui se produirait du jour au lendemain, comme dans le film Le Jour d’après (The Day After Tomorrow); ce serait plutôt un processus étalé sur quelques décennies. Si cela devait se produire dans un proche futur, il s’agirait de surcroît d’un processus qui a d’ores et déjà été décrit et calculé :

- première étape, un influx massif d’eau douce —résultat de la fonte de la calotte glaciaire du Groenland— plonge dans l’eau salée de l’Atlantique; - deuxième étape, cet afflux entraîne l’eau salée vers le fond de l’océan, et du même coup, entraîne avec lui le courant d’eau chaude du Gulf Stream; - troisième étape, faute de cet afflux d’eau chaude, le climat de l’ensemble de l’hémisphère Nord, l’Europe d’abord, se refroidit.

C’est à peu près ce qui s’est produit il y a 8200 ans, à ceci près que l’eau douce ne provenait pas du Groenland mais du lac Agassiz : on appelle ainsi un lac géant, créé par le retrait des glaciers à la fin de la dernière ère glaciaire. Il occupait un large territoire situé à peu près entre l’actuelle Baie d’Hudson et l'actuelle frontière canado-américaine.

En dégelant, ce bol géant aurait déversé ses eaux vers le détroit d’Hudson et la mer du Labrador.

L’hypothèse est sur la table depuis longtemps, mais Helga Kleiven et ses collègues de l’Université de Bergen, en Norvège, affirment en avoir à présent la preuve. Dans l’édition en ligne de la revue Science ( Science Express ), ils décrivent l’analyse de sédiments ramassés au fond de la Mer du Labrador, révélateurs du changement brutal —« brutal », à l’échelle géologique— qui s’est produit à cette époque.

Prochaine étape : calculer avec plus de précision la quantité d’eau douce qui fut nécessaire pour provoquer ce débalancement du Gulf Stream —une information qui pourrait se révéler cruciale dans un proche avenir.

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