Entreront, entreront pas? Les OGM continuent de frapper aux portes de l’Europe, mais celle-ci continue de faire preuve de beaucoup d’imagination dans son opposition. Un peu trop, au goût des... compagnies de biotechnologie!

Dernière initiative : vendredi dernier, 11 janvier, la France suspendait temporairement l’exploitation du maïs transgénique MON 810... qui se trouve à être le seul et unique plant transgénique dont la culture est autorisée en Europe!

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Au départ, il y a une directive qui, en 2001, établissait pour tous les membres de l’Union européenne les règles à suivre avant d’autoriser l’entrée de tout organisme modifié génétiquement (OGM). Parmi ces règles: des mécanismes pour suivre à la trace les OGM dans la chaîne alimentaire, des politiques rigoureuses d'étiquetage... Il fallut attendre 2004 pour que ces règles soient en place mais une fois arrivé là, plusieurs pays firent clairement savoir qu’ils demeuraient très réticents à voir entrer des OGM sur leurs terres agricoles. Seul le MON810 de la compagnie Monsanto avait droit de cité, parce qu’il avait été approuvé avant 2001.

C’est qu’on touche ici à une différence fondamentale entre les opinions publiques européennes et nord-américaine, dont nous parlions dans cette page dès 1999 (voir ce texte) : alors qu’en Europe, l’opposition aux OGM s’est manifestée très tôt, et ne s’est jamais démentie par la suite, aux États-Unis, le débat n’a commencé qu’à la fin des années 1990, et n’a jamais atteint le même degré d’intensité.

Lors d'un congrès en 2002, des chercheurs ont même avancé plusieurs hypothèses pour expliquer cette différence, mais aucune n'est vraiment complète (voir ce texte).

Résultat, près d’une décennie plus tard : alors qu’aux États-Unis et au Canada, les cultures OGM continuent de s’étendre, en Europe, la fonction publique continue d’invoquer le principe de précaution pour en retarder au maximum l’arrivée. À la fin-novembre, le commissaire à l’environnement, Stavros Dimas, annonçait qu’il rejetait les demandes des compagnies Syngenta et Pioneer Hi-Bred pour faire croître deux nouvelles variétés de maïs transgénique, invoquant que ces firmes n’avaient pas fait la preuve que leur produit était sans danger pour l’environnement.

Les écologistes s’en sont réjoui, tandis que certains scientifiques ont reproché au commissaire de n’avoir pas tenu compte de l’avis favorable... de ses propres scientifiques!

En plus de cette guerre politique, il y a une guerre commerciale : alors que s’achevait le moratoire européen de six ans sur les OGM (1998-2004), les multinationales des biotechnologies, de même que le gouvernement américain, ont menacé de faire appel à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), alléguant que ces multiples initiatives européennes contrevenaient aux ententes internationales sur le libre-commerce.

Le moratoire a bel et bien été levé, et ces compagnies ont cru alors que c’en était fini de la résistance, mais dans les faits, rien n'a changé : quatre ans plus tard, le MON810 demeure le seul plant OGM sur le sol européen, où il représente 2% de la production de maïs, essentiellement en Espagne et en France. La Commission européenne devrait rendre une décision d’ici février sur les deux plants rejetés fin-novembre par son commissaire à l’environnement.

Et le débat scientifique dans tout cela? Les OGM sont-ils ou non sécuritaires? Il y a longtemps que les deux camps se sont rangés sur leurs positions respectives et n’en ont plus bougé. Le débat est devenu, depuis des années, un débat politique et commercial.

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