On a souvent écrit que la domination écrasante des cultures mondiales par un tout petit nombre de variétés de blé ou de riz représente un grave danger : qu’un microbe s’y attaque avec succès, et c’est l’alimentation de milliards de personnes qui s’en trouve menacée.

Est-ce le scénario qui s’esquisse en Asie? Il y a 12 mois, le New Scientist avait été le premier à rapporter qu’un champignon virulent, appelé Ug99 et originaire d’Afrique, s’attaquait à présent à l’Iran, menaçant du coup de se propager dans toute l’Asie. Il semble que le risque ait été jugé suffisant pour que le gouvernement chinois ne déclenche un programme de recherche visant à développer d’urgence une variété de blé résistante à cette maladie.

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Mais le champignon n’a pas attendu : il pourrait avoir atteint le Pakistan, prévenaient les Nations Unies le 6 mars. Deux ans plus tôt que ce qui avait été estimé.

Or, le Pakistan est un gros producteur de blé. Tous les pays environnants, à commencer par l’Inde, constituent le coeur de la zone céréalière d'Asie. Et des recherches comme celles entreprises en Chine peuvent prendre, au bas mot, cinq ans.

Si les Occidentaux estiment que tout cela se passe loin de chez eux, c’est qu’ils n’ont pas lu les journaux depuis 20 ans. Avec une population de plus de 6 milliards, aux besoins qui croissent plus vite que les champs, toute perturbation dans la production alimentaire d’une région influence immanquablement notre assiette et notre porte-monnaie. Par exemple, le prix du maïs a commencé à grimper dans certains coins du globe pour une raison qui n’a rien à voir avec la nourriture : le coupable, c'est l’éthanol, ce biocarburant immensément populaire —et très dévoreur en maïs.

Mais les Occidentaux estiment effectivement que tout cela se passe loin d’eux, leur reproche cette année le New Scientist en éditorial (version complète réservée aux abonnés). « Lorsque les pays riches ne se sont plus senti menacés par la famine, ils ont simplement cessé de financer la recherche » en agriculture. À présent, le gros de cette recherche « est fait par des compagnies privées, dont les intérêts premiers ne sont pas de nourrir les masses. »

Ug99 a été identifié pour la première fois en Ouganda en 1999. On l’a ensuite observé au Kenya et en Éthiopie puis, en 2006, au Yemen. Les scientifiques s’attendaient à ce que, poussés par les vents dominants, les spores se retrouvent l’année suivante en Egypte et en Syrie puis, l’année suivante, en Iran. Il semble que le cyclone Gonu, le 8 juin 2007, le pire en 30 ans, ait bouleversé ces prévisions, transportant les spores directement en Iran —et faisant du coup perdre aux scientifiques un an ou deux de répit. Les mêmes vents pourraient d’ores et déjà avoir transporté le champignon au Pakistan. Les autorités pakistanaises contestent cette hypothèse, mais si leur pays n’a pas reçu cet envahisseur cette année, il y aura droit tôt ou tard.

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