Feu vert aux chimères. La Grande-Bretagne est devenu la semaine dernière le premier pays à autoriser les recherches sur des chimères, c’est-à-dire des embryons « hybrides » d’animaux qui intégreraient des gènes humains.

On appelle en effet chimère un embryon « hybride », parce que composé à la fois d’ADN humain et animal. Mais dans les faits, ce dont on parle à l’heure actuelle, c’est d’un ovule animal, qui serait détruit au bout de 14 jours, et dont on aurait remplacé l’ADN par de l’ADN humain.

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Le but premier est de pallier à la pénurie d’ovules humains pour les recherches. Et l’objectif ultime est d’en savoir plus sur les origines génétiques de maladies comme l’Alzheimer, le Parkinson ou la mucoviscidose.

On est donc loin du cauchemar de l’humain avec une tête de vache... ou le contraire!

L’Autorité britannique pour la fertilité humaine et l’embryologie avait déjà accordé en janvier son feu vert à deux équipes de recherche qui allaient dans cette direction. Des députés britanniques ont tenté de bloquer ces projets en déposant un amendement : c’est cet amendement qui a été défait le 19 mai à une écrasante majorité.

S’il avait été adopté, l’amendement serait devenu une partie de la remise à jour du projet de loi sur la Fécondation humaine et l’embryologie, qui autorise notamment —ce dont les médias ont beaucoup moins parlé— la naissance par fécondation in vitro de « bébés donneurs », c’est-à-dire ces bébés dont le sang du cordon ombilical pourrait servir à sauver la vie d’un frère ou d’une soeur malade.

Le Globe and Mail signale qu’il est étrange que ce soit la Grande-Bretagne qui fasse figure de pionnière dans ce domaine, elle qui fut parmi les premières à rejeter les organismes génétiquement modifiés. « Toute l’industrie des manipulations génétiques a fui en Amérique et y est restée, mais la Grande-Bretagne a conservé certains avantages dans la recherche sur les cellules souches, en partie grâce à un régime réglementaire sympathique, et grâce à la peur des fondamentalistes religieux américains. »

Cela n’a pas empêché l’épithète de législation Frankenstein de fleurir sur toutes les tribunes, en particulier chez les politiciens et les médias conservateurs.

Les questions morales ont été à l’avant-scène du débat... quoique pas assez à l’avant-scène, de l’avis des opposants. Mais les deux camps ont un bout de chemin à faire, évalue Julian Baggini, rédacteur en chef du magazine The Philosophers. Il reproche aux partisans de la loi de dire qu’ils respectent les croyances religieuses... en autant que cela leur permette de les ignorer. Dans l’autre camp, ce n’est pas en traitant les partisans de la loi de suppôts de Satan que les opposants feront beaucoup progresser le débat. En bref, « ce que les deux camps doivent faire est de préparer leur cause dans des termes que l’autre peut évaluer et comprendre ».

En attendant, ce n’est que le mois dernier que des scientifiques ont annoncé avoir réussi pour la première fois à produire un embryon de cette façon —qu’ils ont, donc, détruit après cinq jours de développement en éprouvette. Il est donc trop tôt pour savoir si la méthode aura les retombées que ses promoteurs espèrent sur la recherche médicale.

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