L’Agence Science-Presse a publié le 21 novembre 1978, il y aura donc 30 ans cet automne, le tout premier numéro de son bulletin, Hebdo-Science. Voici un autre des 30 articles que nous vous offrirons d’ici au 21 novembre 2008, passant en revue certains bons coups... et certains textes qui soulignent le chemin parcouru.

Attaqué de toutes parts, l’amiante est-il un produit dangereux?

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« L’amiante tue! » Au Nouveau-Brunswick, un édifice gouvernemental a été évacué à grands renforts de publicité il y a quelques années, parce qu’il contenait de l’amiante; quelques jours plus tard, on réintégrait en catimini l’édifice car la concentration en fibres d’amiante était incalculable tellement elle était faible!

Au New Jersey, une école a été fermée car ses plafonds contenaient de l’amiante et l’on croyait qu’une étudiante avait contracté l’amiantose. Il s’agissait en fait d’une mononucléose.

Les pays scandinaves ont imposé de sévères restrictions à l’utilisation de l’amiante et les Français voient même des fibres dans leurs vins! Plus près de nous, les commissaires des polyvalentes de Thetford-Mines et de Disraeli ont refusé une subvention de 11 300$ du ministère de l’Éducation afin d’enlever l’amiante présent dans les écoles. Pour justifier ce refus, les commissaires alléguaient que cet amiante ne représentait aucun danger pour les élèves car il était localisé dans les chaufferies, un endroit peu fréquenté.

L’amiante, cet inconnu

Aucun matériau n’a été autant étudié : au cours des 15 dernières années, plus de 4000 articles scientifiques ont été publiés sur l’interaction des fibres d’amiante et du corps humain. Les paramètres sont donc bien connus. Malheureusement, comme le reconnaissait le président de la Johns-Manville, M Robert Hutcheson, dans une entrevue publiée dans Le Médecin du Québec, l’industrie de l’amiante paie aujourd’hui pour les mauvaises conditions de salubrité qui régnaient il y a 20 ans. À présent, le problème de la santé dans l’industrie de l’amiante serait à 95% réglé, selon nos connaissances actuelles.

La très sévère Agence américaine de protection de l’environnement en est récemment arrivée à la conclusion que parmi trois sortes de conduites d’eau couramment utilisées, celles composées d’amiante-ciment étaient les moins dangereuses pour la santé publique.

Ce genre d’étude, de même que la constatation que les ouvriers travaillant dans les usines d’amiante-ciment étaient peu affectés par l’amiantose, ont amené une nouvelle hypothèse sur la cause des effets nocifs de la fibre d’amiante.

Longtemps, on a cru que la structure de la fibre, en forme d’aiguille, était seule responsable des dommages causés aux tissus organiques. En constatant que le ciment annihilait les effets nocifs de l’amiante, les chercheurs ont émis l’hypothèse que c’était peut-être la structure chimique externe de la fibre qui causait des dommages aux tissus. Ainsi, l’amiante incorporé à d’autres produits comme le ciment Portland verrait sa structure chimique externe modifiée et ses effets nocifs neutralisés.

L’importance d’un test rapide

L’amiante entre dans la composition de plus de 3000 produits : garnitures de freins, matières plastiques renforcées, peinture, textiles incombustibles, etc. Tous ces produits ne sont pas dangereux pour autant. Le problème est donc d’évaluer le degré de toxicité de chacun par des tests rapides car les manifestations de toxicité par l’amiante prennent généralement plusieurs années avant de se manifester.

Denis Nadeau, professeur de biochimie à l’Université de Sherbrooke, a mis au point un test in vivo permettant d’évaluer rapidement les effets biologiques des fibres d’amiante et d’autres produits fibreux de substitution (comme la fibre de verre) sur des cellules animales.

M Nadeau a mis au point deux tests. L’un consiste à mettre en présence des globules rouges et des fibres. Après un certain temps, il suffit de mesurer par colorométrie (c’est-à-dire l’intensité de la couleur) la quantité d’hémoglobine qui s’est échappée des globules rouges.

L’autre test fait appel à des cellules macrophages du poumon. Ces cellules ont le loisir de se promener dans l’alvéole pulmonaire et lorsqu’une fibre ou tout autre corps étranger se dépose dans l’alvéole, la cellule macrophage va la quérir et la digère. La cellule macrophage est donc une sorte d’aspirateur qui tente de maintenir le plus propre possible l’alvéole pulmonaire.

Dans ce cas-ci, M Nadeau et son équipe mesurent la quantité de certains enzymes de digestion qui sont libérés à cause de l’interaction de la fibre et de la cellule. En se retrouvant hors de la cellule macrophage, ces enzymes digestives peuvent s’attaquer aux tissus sains des poumons. On croit qu’il s’agit là d’une des causes des problèmes pulmonaires engendrés par la présence d’une trop forte concentration de fibres d’amiante.

En plus de comparer la toxicité de différents produits contenant des fibres d’amiante ou d’un produit de substitution, M Nadeau et son équipe tentent de déterminer et d’éliminer les ensembles d’atomes qui sont à la base de la toxicité de l’amiante. « Si on joue avec la surface de la fibre, c’est-à-dire si on applique un traitement physique sur la surfacer, est-on capable de réduire les effets biologiques néfastes avec cette fibre modifiée? » de s’interroger M Nadeau, qui espère pouvoir répondre rapidement à cette question.

Hebdo-Science, 2 février 1982

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