L’Agence Science-Presse a publié le 21 novembre 1978, il y aura donc 30 ans cet automne, le tout premier numéro de son bulletin, Hebdo-Science. Voici un autre des 30 articles que nous vous offrirons d’ici au 21 novembre 2008, passant en revue certains bons coups... et certains dilemmes qui durent, durent, durent...

L’ordinateur en classe : élèves et professeurs prendront-ils le « virage pédagogique »?

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Les enfants sont entrés à l’école cet automne et ils devraient y trouver un nouveau compagnon, l’ordinateur. Le gouvernement s’étant pris un peu tard pour annoncer son programme d’implantation de micro-ordinateurs, l’informatique ne fera son entrée en classe que l’année prochaine.

Plusieurs chercheurs estiment que cette machine, qui avait été proclamée « personnalité de l’année » en 1982 par le magazine Time, va forcer notre système d’enseignement à prendre un virage pédagogique, tout comme elle impose un virage technologique à nos industries.

Remise en question

« L’apprentissage de l’informatique force le professeur à remettre en question sa façon d’enseigner », a constaté Benoît Côté, du département de psychopédagogie de l’Université Laval. « L’ordinateur est le miroir de notre pensée logique : il signale chaque erreur, et si on ne la comprend pas, cela devient vite frustrant. »

Cette frustration, M. Côté l’a particulièrement sentie chez les professeurs du primaire qui ne sont pas habitués à une certaine contestation et pour qui la rigueur scientifique est moindre. « Les professeurs sont ouverts à l’informatique mais ils se posent beaucoup de questions », fait-il remarquer.

Et les élèves?

L’ordinateur suscite beaucoup de craintes chez les adultes pour qui écrire avec un clavier est un calvaire. Cependant, il semblerait que le clavier n’est pas un handicap pour l’enfant. Selon les résultats préliminaires d’études effectuées aux États-Unis, les enfants écriraient deux fois plus avec un micro-ordinateur que sur une feuille de papier! « Si cela n’est pas dû au seul aspect de la nouveauté, on est en mesure d’espérer que les enfants maîtriseront le français écrit beaucoup plus rapidement grâce à l’avènement de l’informatique », croit Christophe Hopper, de l’Université de Montréal.

« De plus, fait-il remarquer, même si écrire à l’aide d’une machine paraît plus fastidieux à l’adulte, ce n’est rien comparé à l’effort que doit fournir l’enfant pour former ses lettres lisiblement. »

Le traitement de textes

Christophe Hopper s’intéresse aux applications du traitement de textes pour l’enseignement du français. Le traitement de textes permet entre autres de remplacer un mot ou une phrase à l’intérieur d’un paragraphe sans pour autant être obligé de tout réécrire. « Cette caractéristique favorise la révision des compositions », affirme Christophe Hopper. « Naturellement, nous nous imaginons tous que notre premier jet est le meilleur; mais un bon journaliste ou un bon écrivain sait pertinemment qu’une relecture de son texte est toujours nécessaire, même si cela peut paraître fatiguant. Le traitement de textes élimine le côté laborieux de la réécriture du brouillon, car il nous permet d’apporter des modifications à notre texte sans qu’il y ait de ratures. »

Un autre aspect positif de l’ordinateur est la disparition de la hantise de la faute. « Si l’élève fait une erreur, il peut l’effacer et aucune trace ne subsistera, ce qui n’est pas le cas avec du papier et du crayon. Au lieu d’être dominé par la peur du professeur, l’enfant domine le clavier, il a l’impression de manier un puissant instrument. »

Virage pédagogique

L’introduction de l’informatique dans les écoles risque également de changer radicalement les méthodes d’enseignement. Présentement, la plupart du temps, le professeur présente d’abord les théories au tableau puis les étudiants constatent leur véracité au laboratoire. Pierre Nonnon, professeur de psychologie au Cégep de Victoriaville, fait exactement l’inverse. Il utilise l’ordinateur pour faire découvrir à ses étudiants les lois du comportement.

Par exemple, pour étudier les mécanismes d’apprentissage, on prive d’eau un rat et on lui apprend à actionner un levier pour obtenir une goutte d’eau. Le micro-ordinateur enregistre toutes les actions du rat, comme le nombre de fois qu’il pèse sur le levier avant de découvrir l’eau, et l’ordinateur en donne une représentation graphique instantanée à partir de laquelle les étudiants peuvent déterminer certaines lois.

En plus d’éviter la compilation des données aux élèves qui peuvent ainsi consacrer tout leur temps sur l’analyse du comportement du rat, le micro-ordinateur permet d’économiser sur les instruments de laboratoire. En effet, il aurait fallu normalement un rat avec une cage spéciale pour chaque groupe de deux ou trois étudiants. Avec le micro-ordinateur, il suffit d’un seul montage relié à plusieurs ordinateurs. Le rat ne sert qu’à une seule expérience mais les micro-ordinateurs peuvent servir à d’autres laboratoires de physique, de chimie ou de biologie utilisant la même approche pédagogique...

Pierre Nonnon reconnaît cependant que cette nouvelle approche rend les étudiants insécures. « Ils ont tellement l’habitude de tout recevoir cuit dans le bec de la part du professeur qu’ils se sentent perdus lorsqu’ils doivent retrouver eux-mêmes certaines lois en psychologie. »

Par Eric Devlin, Hebdo-Science, 18 octobre 1983.

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