L’Agence Science-Presse a publié le 21 novembre 1978, il y aura donc 30 ans cet automne, le tout premier numéro de son bulletin, Hebdo-Science. Voici un autre des 30 articles que nous vous offrirons d’ici au 21 novembre 2008, passant en revue certains bons coups... et certains dilemmes qui durent, durent, durent...

Biotechnologies : y a-t-il un danger pour le public?

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Le génie génétique traverse sa seconde crise de croissance. Après 10 années de manipulation des gènes en laboratoire, les biologistes veulent maintenant tester leurs plantes et bactéries modifiées dans la nature. Mais la crainte d’une bactérie monstrueuse revient hanter la population et embêter les chercheurs, pour l’instant des Américains.

Tout commence en 1973 : pour la première fois, des scientifiques sont capables de manipuler des gènes, ces grosses molécules d’une substance fort complexe appelée ADN. Les gènes des êtres vivants, des plus petits (les bactéries formées d’une seule cellule) aux plus compliquées (les plantes, animaux et humains constitués de milliards de cellules), se trouvent au coeur du noyau des cellules et sont le siège de l’hérédité. Lorsque l’humain n’est encore qu’un embryon de quelques cellules, tout son futur biologique est déjà inscrit dans ses gènes

Jouer avec la vie

En manipulant des gènes, on s’apprêtait donc, en 1973, à jouer avec les bases les plus fondamentales de la vie. Des chercheurs américains ont pris peur et ont proposé un moratoire, le temps de fixer des règles de sécurité strictes. En arrière-fond se profilait la crainte qu’une bactérie aux gènes modifiés s’échappe d’un laboratoire et provoque des épidémies, des cancers ou de nouvelles maladies.

Des règles sévères sont alors adoptées et les expériences reprennent. Mais, comme au fil des ans aucune catastrophe n’est survenue, on a peu à peu allégé les contraintes auxquelles devaient se plier les bio-ingénieurs.

Depuis quelques années, le génie génétique a connu d’éclatants succès : en implantant les gènes qui contrôlent la production de l’insuline, de l’hormone de croissance et de l’interféron dans des bactéries, on a réussi à leur faire produire des quantités énormes de ces substances. Et d’une dizaine d’équipes de chercheurs, on est passé à plusieurs centaines.

L’automne dernier, des chercheurs américains ont demandé à l’Institut national de la santé (NIH), l’organisme qui réglemente la recherche génétique aux États-Unis, la permission de tester dans les champs les résultats de leurs recherches en laboratoires :

- des plantes aux gènes manipulés (maïs, tomates, tabac) résistantes aux maladies; - une bactérie dont on a augmenté la capacité de fixer l’azote de l’air; - des bactéries qui abaissent la température à laquelle gèlent les plantes.

Permission accordée, décide le NIH. Aussitôt, les groupes écologistes, appuyés par certains chercheurs, contestent cette décision devant les tribunaux. L’âme des contestataires est Jeremy Rifkin. Il craint que les bactéries anti-gel se répandent dans l’atmosphère et modifient le climat en empêchant la formation de la neige. Son alternative : refuser les manipulations génétiques.

« Je ne peux pas dire qu’il n’existe pas de danger », dit Georges Lagacé, analyste-conseil au ministère québécois de la Science et de la technologie, « mais on s’est rendu compte que les micro-organismes modifiés sont beaucoup plus fragiles que les souches originales ».

Le ministère s’apprête d’ailleurs à publier une étude sur la bio-sécurité et les manipulations génétiques. Le rapport ne recommandera pas la création de nouveaux règlements. « Il existe suffisamment de lois », souligne M Lagacé. « Leur application vigilante suffira à protéger le public et les chercheurs. »

Par Martin Paquet, Hebdo-Science, 8 mai 1984.

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