L’Agence Science-Presse a publié le 21 novembre 1978, il y aura donc bientôt 30 ans, le premier numéro de son bulletin, Hebdo-Science, envoyé aux médias abonnés. Voici un autre des 30 articles que nous vous offrirons d’ici au 21 novembre 2008. Lisez attentivement ce qui y est dit sur le génome humain, les manipulations génétiques et les problèmes éthiques : certaines choses ont fort peu vieilli, d’autres paraissent déjà très loin!

Les scientifiques vont-ils trop loin pour percer les mystères de la vie?

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« Le jour où mon équipe a réussi à produire la première fécondation humaine in vitro, j’ai eu un choc. Je n’étais pas seulement content de notre performance, je me suis aussi senti inquiet. Avant ça, je n’avais jamais réfléchi bien longtemps aux impacts des découvertes scientifiques ni à la responsabilité des chercheurs. Mais à partir de cet instant, j’ai pris conscience d’enjeux qui dépassaient mon travail de laboratoire. »

« Père » du premier bébé-éprouvette québécois, en 1985, le biologiste Raymond Lambert poursuit toujours des recherches de pointe en reproduction. Mais il n’a pas pour autant claqué la porte au nez de sa conscience! Le 22 mai dernier, il a même fondé avec le philosophe Marcel Mélançon, la section québécoise du Mouvement universel pour la responsabilité scientifique (MURS).

Le MURS, un regroupement de savants et de citoyens, existe en France depuis 1974. L’objectif est de sensibiliser les chercheurs aux implications sociales et morales de leurs travaux. Au Québec, une cinquantaine de scientifiques ont déjà répondu à l’appel de Raymond Lambert.

Les problèmes éthiques que posent les recherches scientifiques et certaines de leurs applications sont nombreux. On pense par exemple à l’utilisation du nucléaire à des fins stratégiques, à l’usage médical des embryons congelés, aux possibilités de connaître certaines caractéristiques génétiques d’un foetus. Ce dernier point a d’ailleurs été abordé lors du colloque qui a précédé l’assemblée de fondation du MURS-Québec, lors du congrès annuel de l’Association canadienne française pour l’avancement des sciences, à Sherbrooke.

Trois milliards pour HUGO

Un vif débat se tient à ce sujet à travers le monde. Depuis 1989, des équipes américaines, européennes et japonaises ont entrepris l’identification de la totalité du code génétique (ou génome) humain. Le projet, baptisé HUGO, implique un investissement de plus de trois milliards de dollars sur 15 ans. Pour l’instant, le Canada ne participe pas à l’aventure, mais quelques chercheurs canadiens et québécois contribuent à la recherche des gènes responsables de maladies héréditaires, comme la fibrose kystique.

Le projet HUGO n’entend cependant pas se limiter à identifier les gènes mis en cause dans les maladies graves. Il s’agit plutôt de dresser une carte des 100 000 gènes qui composent nos chromosomes. En théorie, dans 15 ans, on pourra ainsi localiser, sur les 23 paires de chromosomes de chaque personne, le gène responsable de la couleur de la peau ou des yeux, celui qui est impliqué directement ou partiellement dans une maladie et, sans doute, celui qu’on associera un jour à l’intelligence.

Cette intrusion dans l’intimité de nos gènes soulève de grands espoirs pour le traitement de maladies. Dans un avenir lointain, on pourra introduire dans le génome d’un individu un gène remis à neuf. Par contre, cette prouesse ne permettra pas de comprendre la cause du défaut génétique. Elle laisse aussi planer la perspective effrayante d’introduire des gènes pour des raisons futiles (couleur des cheveux) ou intéressées (créer des génies)...

Ces considérations relèvent encore de la science-fiction. À plus court terme, la cartographie du génome permettra plutôt d’identifier un gène défectueux chez le foetus. Là aussi, des problèmes éthiques se posent : peut-on recommander l’avortement lorsque la maladie ne se déclare habituellement qu’à 65 ans, comme la maladie d’Alzheimer? Quels critères économiques ou humains feront qu’un handicap sera déclaré inacceptable?

Par Louise Desautels, Hebdo-Science, 16 juillet 1991.

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