Ça va mal pour les cellules souches. Des accusations de falsification des données tournent au-dessus des têtes des auteurs d’une des études les plus encourageantes des dernières années. Et une qui, de surcroît, permettait aux détracteurs d’affirmer qu’on n’aurait bientôt plus besoin de « sacrifier » des embryons.

L’étude remonte à 2002 (nous en avions parlé ici) mais ce n’est que l’an dernier que la controverse a éclaté au grand jour, à la suite d’une enquête du magazine britannique The New Scientist. Celui-ci pointait des « irrégularités » dans les résultats publiés; un comité d’enquête de l’université a conclu qu’une étudiante au doctorat avait effectivement falsifié les résultats.

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L’étude arrivait à la conclusion qu’une catégorie rare de cellules souches de souris, extraites de leur moelle épinière, pouvait se révéler aussi efficace que les cellules d’embryons pour se transformer en « n’importe quoi » —cellules de poumon, de coeur, de peau, etc. Parue en juin 2002 dans Nature, cette étude avait propulsé l’équipe de l’Université du Minnesota à l’avant-scène de la recherche mondiale : non seulement s’agissait-il d’une percée majeure dans le domaine incertain de la recherche sur les cellules souches adultes (à ne pas confondre avec la recherche sur les cellules souches d’embryons), mais en plus, ces résultats encourageants faisaient miroiter la possibilité de résoudre le dilemme moral lié à l’utilisation de cellules d’embryons.

Même des politiciens conservateurs avaient sauté sur l’occasion pour décréter que la recherche scientifique n’aurait désormais plus besoin d’utiliser des cellules d’embryons.

Mais au fil des années, tandis que d’autres chercheurs s’avéraient incapables de reproduire les résultats de l’équipe de la biologiste Catherine Verfaillie, les soupçons commencèrent à émerger.

C’est en fouillant une autre étude de la même équipe, parue en 2001 dans une autre revue (Blood) et portant cette fois sur des cellules souches adultes prélevées chez des humains, que le journaliste du New Scientist a révélé en 2007 que des images censées décrire des expériences distinctes étaient en fait des doublons, qu’on s’était contenté de « retourner » (comme une feuille recto-verso). Cette révélation a déclenché l’enquête de l’université, laquelle a découvert quatre autres photos manipulées dans l’article de Blood, et une cinquième dans un autre article (Journal of Clinical Investigation), après que Verfaillie elle-même eut porté la chose à leur attention. Déjà, dès février 2007, une autre « erreur » avait été corrigée dans l’article de Nature, à la demande de Verfaillie.

Le comité écrit qu’il est impossible de démontrer si l’erreur de l’étudiante était intentionnelle ou non. Celle-ci nie toute inconduite. Verfaillie est pour sa part « acquittée » de toute accusation d’inconduite, sinon d’avoir « mal supervisé » son étudiante.

Cellules souches sur la sellette

Si cette histoire est importante, ce n’est pas tant à cause de l’incident qu’à cause du contexte dans lequel s’inscrit l’incident : les recherches sur les cellules souches souffrent encore de l’énorme gifle subie en 2005 lorsqu’un des chefs de file mondiaux, le Sud-Coréen Hwang Woo Suk, a reconnu avoir lui aussi falsifié des données, dans ce qu’on croyait alors être les premiers cas réussis de clonages de cellules souches humaines.

Consolation, entretemps, en 2007, une équipe japonaise dirigée par le biologiste Shinya Yamanaka, est parvenu à « reprogrammer » des cellules de peau humaine, pour les rendre apparemment aussi polyvalentes que les cellules d’embryons. La suite en 2009.

Des biologistes contactés par le New Scientist blâment l’intense compétition entre les laboratoires, lesquels sont engagés dans une véritable course à l’exploit et aux brevets. « Je crains que ce genre de choses ne se produise encore », déclarait par exemple la semaine dernière Arnold Kriegstein, directeur de l’Institut de médecine régénérative à l’Université de Californie.

C’est que, si les cellules souches en viennent à réaliser toutes leurs promesses —production d’organes en série, clonage de fragments de votre peau pour des greffes, production de neurones pour combattre les effets de l’Alzheimer ou du Parkinson, etc.— ce sera une des plus grandes révolutions de la médecine moderne. De quoi faire tourner des coins ronds...

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