Dans le cadre des 30 articles sur les 30 ans de l’Agence Science-Presse, plus on s’approche de 2008 et plus les « événements d’actualité » nous hantent encore. 2001 vit en fait se croiser trois évolutions politiques qui marqueront l’histoire future des sciences : des gouvernements qui attaquent de front les compagnies pharmaceutiques, une Maison-Blanche qui s'ingère plus que jamais dans les sciences... et un certain 11 septembre.

Après le 11 septembre

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Quel rapport entre les attentats du 11 septembre 2001 et la science? À court terme, des interrogations éphémères —sur la résistance des tours, le pilotage, et même les théories du complot. Mais à long terme, une peur de l’étranger qui s’est étendue jusqu’aux sciences : des scientifiques musulmans interdits d’entrée aux États-Unis, d'autres qui, déjà en place, sont victimes de vexations, des visas étudiants annulés, des partenariats internationaux remis en question, alors que certains pays en avaient bien besoin.

Et à l’inverse, des fonds accrus pour la nouvelle crainte de l’heure : le bioterrorisme. La psychose. Des experts en maladies infectieuses qui se retrouvent obligés de faire des rapports et de dresser des listes de noms à l’intention des autorités fédérales. Tandis que d’aucuns se demandent s’il faut réglementer la biologie...

Dans le budget fédéral américain de 2006, le seul secteur scientifique à obtenir une augmentation était... la lutte contre le bioterrorisme!

Ingérence politique dans le climat

Mais comme l’ont constaté des auteurs de livres ces dernières années, la tentation de s’ingérer dans la recherche était déjà très forte au sein du gouvernement américain, même sans le 11 septembre : des rapports sur le réchauffement climatique réécrits par des fonctionnaires « junior » nommés par la Maison-Blanche afin qu’ils se conforment à son idéologie; de tels rapports, on a fini par apprendre qu’il y en avait eu des dizaines (pour une synthèse, lire La décennie de l’occasion manquée). Sans compter les tours et détours visant à faire croire au public à l’existence d’un débat virulent dans la communauté scientifique, au point d'inviter comme « expert »... un romancier!

En plus d’autres avis scientifiques balayés sous le tapis dès 2003: sur l’obésité, le sida, les produits toxiques, le bouclier anti-missiles, la pilule du lendemain... Après quelques années, des scientifiques ont commencé à relever la tête (Union of Concerned Scientists, 2004 , déclaration signée par 10 000 chercheurs, 2007) et protester publiquement (jusqu’au « médecin-en-chef » des USA, en 2007). Pas étonnant qu’aujourd’hui, ils soient aussi nombreux à appuyer Barack Obama et à espérer que leur maison sera mieux aérée!

Quand la politique se mêle de médicaments

Et il n’y a pas que les États-Unis. La décennie 2000, c’est aussi celle où le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Inde ont attaqué de front les compagnies pharmaceutiques. Devant des médicaments (anti-sida, entre autres) hors de prix pour leurs populations (et celle de la majeure partie de l’Afrique), le Brésil est notamment devenu un chef de file des producteurs de médicaments génériques —c’est-à-dire des copies des médicaments originaux— et d’autres pays, comme l’Afrique du Sud, ont tenu leur bout, en dépit des poursuites judiciaires. Une entente a été signée en 2003, mi-chair mi-poisson, mais qui autorise notamment le Brésil à exporter en Afrique.

L’indignation internationale, qui montait depuis la fin des années 1990, a pesé dans la balance : la pression était devenue difficile pour les compagnies, qui acquéraient peu à peu l’allure d’ogres indifférents à la souffrance des malades.

Mais le dossier évolue plutôt lentement. En 2004, le Canada devenait le premier pays à déposer une loi autorisant l’exportation, vers les pays les plus pauvres, de ces médicaments moins coûteux. Aujourd’hui encore, on est loin d’avoir rempli ces promesses.

Et en Afrique du Sud, on a eu droit à un gouvernement qui niait le lien entre VIH et sida (en 2000, et encore en 2006), au point d’interdire pendant des années la distribution des médicaments. De quoi réfléchir sur les liens entre politique et science...

Pascal Lapointe

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