Curieux destin que celui de l’amiante. Il y a tellement longtemps que les Français l’ont bannie (11 ans) qu’ils seraient sans doute surpris d’apprendre, s’ils lisaient les journaux québécois, que l’amiante est toujours un produit d’exportation. Et qu’une étude financée par le gouvernement n’a toujours pas été rendue publique, après six mois.

21 octobre: éditorial virulent du Journal de l’Association médicale canadienne, qui exhorte le gouvernement à ajouter l’amiante chrysotile à la liste des 39 matières dangereuses définies par la Convention internationale de Rotterdam, et à fermer les mines (il n’en reste que deux!). 23 octobre: une lettre signée par 25 experts québécois en santé publique est rendue publique: ceux-ci font la même demande. 29 octobre: au cours de la rencontre de Rotterdam, on confirme que l’amiante ne sera pas inscrite sur la liste des matières dangereuses: le Canada s’y oppose.

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Qu’est-ce que l’amiante chrysotile?

C’est une des variétés d’amiante, et la seule qui, jusqu’ici, n’a pas été unanimement classée comme matière dangereuse.

C’est une substance cancérigène: cela, personne, même le gouvernement canadien, ne le met en doute. En suspension dans l’air, les fibres peuvent venir se loger dans les poumons et causer una maladie pulmonaire potentiellement mortelle, appelée l’amiantose.

Mais le tabac aussi est une substance cancérigène, qui n’est pas pour autant interdite à l’exportation. Tout est une question de dosage, et c’est là-dessus que table l’industrie du chrysotile, qui prétend qu’il est possible de l’utiliser de façon sécuritaire.

Qu’est-ce que la Convention de Rotterdam?

C’est un traité qui oblige le pays qui exporte l’une des 39 matières définies comme dangereuses à prévenir les pays qui en importent —on suppose donc que les gouvernements des pays importateurs ne lisent pas les journaux. Toutefois, le traité n’interdit pas l’exportation des produits en question.

La Corée du Sud, l’Indonésie, la Thaïlande et surtout, l’Inde sont parmi les pays qui importent de l’amiante canadienne (33 millions$ rien qu’en Inde). L’extraction d’amiante est interdite en Inde. Par contre, c’est un des pays qui appuie le Canada dans sa volonté de ne pas classer l’amiante chrysotile parmi les produits dangereux.

Que dit cette étude que le gouvernement canadien n’a pas rendue publique?

On l’ignore. C’est la grosse inconnue des reportages des deux dernières semaines. Bien que tous les médias québécois aient parlé de la controverse causée par l’éditorial du Journal de l’association médicale canadienne, cette controverse fournit très peu d’éléments nouveaux à se mettre sous la dent.

Ce rapport, commandé par le ministère canadien de la Santé à un comité d’experts, s’empoussière depuis maintenant six mois. Interrogé par La Presse, l’auteur principal, le Dr Trevor Ogden —un expert britannique en santé du travail— n’a pu que « révéler » que leur étude confirmait que l’amiante chrysotile était cancérigène, ce qui ne nous avance pas beaucoup. La véritable question serait de savoir si cette forme d’amiante est moins toxique que les cinq autres (appelées amphiboles).

Le Dr Ogden s’est par contre fait plus volubile sur la raison pour laquelle Santé Canada n’a pas encore rendue publique l’étude : ils prétendent être encore en train de réviser l’étude « ce qui est si clairement faux que c’en est insultant ».

Dans un courriel envoyé à The Gazette, il ajoute que comme ce rapport fait moins de 4000 mots, « si nous avions su que le gouvernement allait examiner le rapport au rythme de 20 mots par jour, nous y aurions glissé quelques blagues pour les divertir ».

Par contrat, les membres du comité n’ont pas l’autorisation d’en dire plus, mais une des co-auteures, Leslie Stayner, de l’Université de l’Illinois dit n’avoir aucun doute que ces délais sont « politiques ». Toujours selon The Gazette, ce comité aurait coûté 101 400$

L’amiante a-t-elle un avenir?

Peu probable. Il y a un demi-siècle, l’industrie de l’amiante employait plus de 10 000 personnes d’un bout à l’autre du Canada. Aujourd’hui, elle en emploie moins de ... 700. Dans une seule région du Québec, où deux mines sont encore actives, à Asbestos et Thetford Mines.

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