La vie était courte et difficile pour nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. Les dangers inhérents à cette existence précaire étaient nombreux. On pourrait donc croire que le passage à l’agriculture et la sédentarisation auraient amélioré leur santé. Or, une discipline encore jeune, la bioarchéologie, suggère que l’état de santé de la plupart des êtres humains aurait commencé à se détériorer il y a de cela 3000 ans...

La bioarchéologie est la science qui étudie les squelettes humains ou ce qu’il en reste. Les squelettes, ainsi que les corps mieux conservés —comme l'homme des glaces Ötzi, dont la découverte dans les Alpes italiennes avait fait les manchettes au début des années 1990— sont des outils de choix pour les bioarchéologues. Les conditions de vie dans lesquelles ont vécu nos ancêtres ont laissé des marques sur leurs squelettes. Par exemple, on peut savoir par la forme des os si un individu était nomade ou sédentaire. On peut aussi savoir s’il est mort d’une maladie infectieuse, d’une blessure ou s’il souffrait de carences particulières.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Un ambitieux projet, le Global History of Health Project mené entre autres par le professeur Clark Spencer Larsen, de l’Université d’État de l’Ohio, utilisera 60 000 de ces squelettes répartis dans 350 localités afin de créer une base de données qui permettra de construire une histoire de la santé en Europe.

Les conclusions préliminaires indiquent que la détérioration de la santé de la plupart des Européens il y a 3000 ans coïncide avec la généralisation de l’agriculture en Europe et la montée des civilisations grecques et romaines. Les êtres humains qui ont vécu à partir de cette époque sont moins grands que leurs prédécesseurs et leurs squelettes portent plus souvent les marques de maladies comme la lèpre et la tuberculose, des maladies infectieuses causées par la vie à proximité du bétail et la promiscuité dans des cités où les déchets s’accumulent.

Alors, pourquoi s’installer dans des villes, si cela rend aussi malade ? Les données préliminaires du Global History of Health Project démontrent que les citadins souffraient moins de fractures que les chasseurs-cueilleurs, sans doute parce qu’ils y subissaient moins d’accidents. Les humains de cette époque se seraient donc senti plus en sécurité dans des villages, où l’émergence d’une élite offrait également une plus grande protection, mais tout en exerçant un plus grand contrôle de la nourriture.

La santé des Européens va continuer à décliner à travers le Moyen âge pour commencer à se stabiliser au milieu du 19e siècle. Plusieurs raisons expliquent ce regain tout récent, comme la fin de la petite ère glaciaire, l’augmentation de la production agricole, mais surtout des meilleures installations sanitaires et des médicaments plus efficaces. Le Global History of Health Project permettra de mieux comprendre les causes de la propagation des maladies et de la malnutrition.

Paul-André Gilbert

Je donne