Donc, la pratique qui consiste à faire signer, par un scientifique, un article qu’il n’a pas écrit et qui a été financé par l’industrie pharmaceutique, ne serait pas une pratique inconnue, disions-nous dans l’autre article. Et l’industrie pharmaceutique vient de se faire prendre la main dans le sac. Qu’est-ce qui pourrait contrer ces habitudes fort peu éthiques?

Déjà, publier ces documents incriminants, comme viennent de le faire le New York Times et PLoS Medicine, constitue une façon de brasser la cage : les 18 revues qui, entre 1998 et 2005, ont laissé passer ces 26 articles, écrits par des firmes de rédaction mais signés par des scientifiques servant de prête-noms, vont peut-être resserrer leurs critères de « surveillance ».

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Ainsi que les universités mises indirectement en cause, qui sait.

Depuis le début du siècle, des virages ont été entrepris, et le siècle est encore jeune :

- La plupart des revues scientifiques les plus sérieuses exigent désormais des chercheurs qu’ils dévoilent les sources de financement d’une recherche, s’ils veulent qu’elle soit publiée. Quelques revues exigent aussi de chaque co-auteur apposant sa signature sur un article, qu’il précise quelle fut sa contribution à la recherche. - Les histoires d’horreur autour de médicaments comme le Vioxx ont poussé des journaux médicaux, encore eux, à exiger des compagnies pharmaceutiques qu’elles rendent publiquement accessibles toutes les études réalisées sur un médicament, pas seulement les études qui ont obtenu un succès. Ce processus est encore en cours. (à ce sujet lire ce texte et celui-ci) - Enfin, le cas du Dr Hwang Woo Suk, ce chercheur sud-coréen qui avait faussement annoncé des clonages de cellules souches en 2004 et 2005, a obligé les revues les plus prestigieuses, dont Science, à admettre qu’il leur arrivait de faire pression pour que certaines recherches, plus spectaculaires, ne franchissent le processus de validation plus vite que la normale (voir ce texte). Car ces revues ne sont pas imperméables au besoin de notoriété.

Dans un environnement où les compagnies pharmaceutiques sont engagées avant tout dans une course aux profits, lit-on dans l’éditorial de PLoS Medicine qui accompagne les documents rendus publics, « il est naïf de croire que les compagnies mettront de l’ordre dans leurs maisons. » Les initiatives récentes des revues mentionnées plus haut constituent de bons pas en avant, mais pour enrayer l’usage de prête-noms, il faudra adopter une politique de tolérance zéro « à toute pratique qui vise à dissimuler les véritables auteurs ».

Quitte à ce qu’une revue aille jusqu’à interdire toute future publication chez elle d'un chercheur qui ne serait pas conformé à ces régles d’éthique. C'est le prix à payer, poursuit l'éditorial :

Comment une industrie dont les produits ont contribué à des avancées stupéfiantes en santé ces dernières décennies en est-elle venue à accepter de telles pratiques? Quelles qu’en soient les raisons, à l’heure où le pipe-line de nouveaux médicaments se tarit (...) l’édition médicale, l’industrie pharmaceutique et la communauté universitaire médicale sont emprisonnées dans un système de dépendance mutuelle, où la vérité et l’absence de biais semblent être devenues optionnelles... Les auteurs qui mettent leurs noms sur de tels articles doivent considérer si cela est plus important que d’avoir une littérature médicale en laquelle on puisse avoir confiance.

Pascal Lapointe

Je donne