Et de quatre. Cette année encore, la banquise qui enserre le Pôle Nord aura rétréci largement sous la moyenne. Ce n’est plus un accident de parcours —et déjà, une compagnie plus audacieuse que les autres se vante d’avoir achevé la première traversée « commerciale » de l’Arctique. Mais du côté russe seulement : le Canada devra attendre.

Pour être juste, il faut souligner que ce n’est pas juste la disparition de la glace qui rend possible ce voyage, puisque deux brise-glaces russes ont accompagné les deux navires marchands, par mesure de précaution. Ce sont aussi les progrès des satellites : ils ont permis de planifier le trajet et de contourner les icebergs avec plus d’assurance.

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Mais ça n’en est pas moins le début d’une navigation commerciale à travers le dernier océan jusqu’ici épargné. Une perspective qui réjouit les autorités russes —d’où leur aide avec les brise-glaces et l’obtention de permis— mais inquiète les écologistes.

Et le Canada? Il semblerait que les écologistes puissent respirer pour l’instant. Car il y a deux passages à travers l’océan Arctique : le passage du Nord-Ouest —qui serpente à travers les îles du Grand Nord canadien— et le passage du Nord-Est —qui surplombe la Russie. C’est uniquement du passage russe dont il est question ici.

En fait, lorsqu’on parle d’ouverture de l’Arctique à la navigation pendant les quelques semaines de l’été, c’est beaucoup plus souvent du passage russe du Nord-Est dont il est question : au cours des cinq dernières années, il a été brièvement ouvert à quatre reprises. Si la tendance se maintient, il est plausible que le passage canadien du Nord-Ouest, lui, ne devienne pas avant longtemps une route commerciale rentable... parce que le passage russe du Nord-Est aura été « ouvert » avant lui.

La géographie, de plus, est en faveur des Russes : si on regarde une carte, on s’aperçoit que la route russe passe largement à travers des eaux libres —une fois les glaces parties— alors que la route canadienne traverse de nombreux détroits.

Quoi qu’il en soit, la compagnie allemande propriétaire des deux navires a fait une efficace campagne de publicité cet été. Partis de la Corée du Sud à la fin juillet, puis de Vladivostok (extrême-est de la Sibérie) le 21 août, le Beluga Fraternity et le Beluga Foresight sont arrivés lundi dernier à leur dernier objectif, le port de Novvy, en Sibérie, où ils ont débarqué des marchandises. Ils sont ensuite repartis vers leur port d’attache, Rotterdam, aux Pays-Bas.

Ainsi, de la Corée du Sud aux Pays-Bas, ils auront économisé 5500 km par rapport à la route traditionnelle qui passe par l’océan Indien et le canal de Suez, en Égypte (voir la carte ci-haut). C’est un trajet de près d’un tiers plus court. C’est un rêve de plus d’un siècle pour les marchands qui est en train de devenir réalité —et le nouveau cauchemar des écologistes.

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