Une autre de ces confrontations dont l’intersection science et politique a le secret. À Washington, l’aile droite des conservateurs se déchaîne contre la nomination d’un scientifique dont le tort a été de prendre position contre les effets néfastes de certains produits... et les mensonges de l’industrie.

David Michaels, un expert en santé publique, et plus précisément expert en maladies du travail, est loin d’être une vedette médiatique. Son seul succès populaire, il le doit à un livre, Doubt is Their Product , qui a récolté en 2008 quelques honneurs, tout en demeurant très loin de la liste des best-sellers. Il y décrivait par le détail les stratégies de relations publiques délétères d’industries qui, lorsqu’elles sont incapables d’utiliser des faits solides pour défendre leur produit —le mercure, le bisphénol A, le Vioxx, etc.— s’emploient plutôt à prétendre qu’il subsiste un « doute » quant aux impacts négatifs.

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Le truc consiste par exemple à mettre en doute la fiabilité d’une recherche récente —ou d’un chercheur— tout en passant sous silence le poids écrasant des preuves. De cette façon, on crée un doute dans l’esprit du public : peut-être, se dit-il, les scientifiques sont-ils divisés sur la question. Et on attaque parallèlement les politiciens qui prétendent vouloir réglementer le produit.

C’est exactement la stratégie, dûment documentée par les poursuites judiciaires des années 1990, que l’industrie du tabac a employée pendant des décennies. Et c’est la même stratégie, décrite par plusieurs auteurs avant Michaels, qu’ont repris à leur compte plusieurs des opposants à la « théorie » du réchauffement climatique.

Je crois, écrivait Michaels, qu’il est juste de dire que jamais dans notre histoire, les intérêts corporatifs n’ont eu autant de succès qu’aujourd’hui lorsqu’il s’agit de façonner les politiques à leurs désirs.

Il y a quelques semaines, la Maison-Blanche a donc annoncé que David Michaels serait le futur directeur de l’Administration de santé et de sécurité au travail (Occupational Safety and Health Administration). Sa nomination doit bientôt faire l’objet d’une audience du Sénat —et c’est dans cette perspective que s’est déchaînée la droite conservatrice.

L’opposition aurait pu viser un débat scientifique : évaluer les compétences du Dr Michaels en santé du travail à travers ses recherches, ou la justesse de ses arguments sur tel et tel sujet. Mais l’opposition, reproche Media Matters , évite soigneusement les faits scientifiques (« son approche semble être de dépeindre les employeurs comme des méchants », déclare par exemple le président de l’Association des manufacturiers) ou bien tente de semer le doute (« il veut interdire le port d’armes »). Soit une façon imprévue de confirmer l’argumentaire du livre Doubt in Their Product...

Pascal Lapointe

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