Retour sur une nouvelle qui a brièvement eu des échos au début du mois : l’Inde approche-t-elle du moment où elle va manquer d’eau? Pour un pays d’un milliard d’habitants, ce serait catastrophique.

Et aussi, paradoxal, puisque ce pays est sur une lancée économique qui lui a fait surpasser la plupart de ses concurrents —sauf la Chine— qu’il abrite des légions de cerveaux dans des domaines de pointe —neurologie, ingénierie, électronique— ce qu’il a d’ailleurs prouvé l’an dernier, en envoyant sa première sonde vers la Lune.

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Mais l’eau est manifestement une chose qui, titrait le New York Times, « a été laissée de côté ». Dans le nord du pays, ont annoncé les publications scientifiques au début de septembre, l’irrigation est en train d’assécher les nappes d’eau souterraines

Le nord du pays, c’est une bande de 2000 kilomètres de long qui court le long des flancs de l’Himalaya, du Pakistan jusqu’à la mer. Ce sont des terres agricoles qui, dans les années 1960, ont triplé leur productivité grâce à des politiques agressives d’irrigation. Ce sont, surtout, 600 millions de personnes.

L’Inde, c’est aussi la mousson, c’est-à-dire des mois sans la moindre goutte de pluie (et l'été 2009 fut encore plus sec que la moyenne), d’où l’importance d’une politique sévère d’irrigation. Au milieu des années 1990, l’Administration indienne des eaux souterraines évaluait que les fermiers extrayaient chaque année 172 kilomètres cubes d’eau, dans cette région du nord seulement. C’était déjà jugé aux limites du renouvelable, et l’étude parue au début du mois dans les Geophysical Research Letters est venue confirmer qu’entretemps, on avait dépassé le seuil critique : l’aquifère se vide désormais plus vite qu’il ne se renouvelle.

L’Inde avait été au coeur de la révolution verte des années 1960 —qui, en accroissant la productivité des champs, avait permis de nourrir une population croissante et d’éviter une famine catastrophique. Mais cette fois, le problème est plus complexe : il faudrait mieux gérer l’eau ET accroître la production, alors que dans les années 1960, il ne s’agissait « que » de produire davantage.

La mythique croissance indienne a aussi contribué à une certaine complaisance... « Beaucoup d’entre nous avons été transportés [par les succès économiques] et en avons oublié que ces problèmes existaient », juge dans le New York Times l’économiste indien Bharat Ramaswami.

Perte nette, selon le géophysicien Virendra M. Tiwari : 54 kilomètres cubes d’eau par année entre 2002 et 2008. Plus concrètement, ça représente une nappe d’eau dont le « sommet » est de 10 centimètres plus profond chaque année. Selon une seconde étude appuyée sur des données satellites, dans une région critique, cela représente 33 centimètres en moins par année.

Un point de comparaison : dans le sud-ouest des États-Unis, les autorités s’inquiètent publiquement depuis des années du recul du lac Mead, qui alimente une bonne partie des états de la région. Eh bien le recul des aquifères indiens est, lui, trois fois plus élevé que celui du lac Mead.

La grande question est évidemment : pouvons-nous changer de trajectoire? « L’écolo-économiste » Lester Brown croit que oui :

Pouvons-nous prendre une route de l’économie qui soit durable? Nous croyons que oui. C’est ce dont parle le Plan B. Il vise à stabiliser le climat, stabiliser la démographie, éradiquer la pauvreté et restaurer les systèmes naturels de soutien de l’économie. Il prescrit une réduction mondiale des gaz à effet de serre de 80% d’ici 2020, pour garder la concentration de CO2 sous les 400 parties par million.

Bien sûr, pour cela, il faut songer à un virage radical vers des énergies moins polluantes et qui gaspillent moins. Un virage de cette ampleur, dit-il, ne se compare qu’à une mobilisation dont les nations ont été capables en temps de guerre.

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