Selon la nouvelle Coalition Bois Québec, construire en bois participerait à la lutte contre les changements climatiques, constituerait l’avenir de la construction non résidentielle et relancerait même l’économie québécoise. Si l’initiative est louable, de quel bois parle-t-on? Ou plutôt, le bois tiré de quelle forêt, s’interroge l’organisme Greenpeace.

À l’heure où l’on s’interroge sur l’avenir des forêts intactes et que l’on attend la loi sur les forêts concoctée par le gouvernement du Québec, l’idée d’un entretien autour du bois et de la gestion des forêts est de mise.

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L’Agence Science-presse a donné la parole à Robert Beauregard, président de la Coalition Bois Québec et doyen de la faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval, et à Mélissa Filion, directrice intérimaire de Greenpeace Québec.

Agence Science-Presse (ASP) — Le bois, est-il vraiment un matériau vert?

Robert Beauregard (RB) — Notre idée de promouvoir le bois comme matériau de construction provient du rapport du GIEC paru à l’été 2007. Il y est démontré qu’utiliser du bois a un impact positif sur les émissions des gaz à effet de serre. Son utilisation permet de bâtir une société à carbone neutre en plus de soutenir les emplois de l’industrie forestière.

Mélissa Filion (MF) — C’est là toute la question. Il faut s’assurer que ce bois de construction ne provient pas de forêts intactes ou de celles servant d’habitat à des espèces menacées. Les forêts sont à protéger. Il reste environ 10 % de forêts intactes au Québec.

ASP — En quoi le bois contribue-t-il à la lutte aux changements climatiques?

MF — La forêt boréale est le plus grand réservoir de carbone terrestre et son exploitation vient perturber ce réservoir. Le bois ne peut pas être dissocié de la question des forêts. Il doit donc provenir d’une gestion forestière respectueuse des écosystèmes et des usages. Ainsi, le bois peut faire partie de la solution s’il ne provient pas des forêts intactes. Il ne faut pas déplacer un problème environnemental dans nos forêts.

RB — La forêt, de manière naturelle poussera à l’infini et stockera le carbone dans le sol et dans les arbres. Mais c’est un puits de carbone de petite taille. Le bilan sera légèrement positif sur le long terme, mais doit composer avec les incendies, la croissance lente des repousses, etc. Lorsqu’on aménage la forêt – on parle là de récolte, de plantation et de protection —, c’est là qu’on parvient à installer cette « machine à carbone neutre » de manière durable.

ASP — Qu’est-ce qu’une bonne gestion de la forêt?

RB – Il existe plusieurs labels et plusieurs certifications basés sur les principes de la gestion durable de la forêt. À Coalition Bois Québec, nous favorisons l’aménagement écosystémique. Nous sommes en accord avec l’utilisation en construction de bois provenant de forêts certifiées. Nous sommes également en accord, sur les principes, avec l’organisme Greenpeace quant à la conservation d’une portion de forêts intactes au Québec. Greenpeace a à son agenda la protection de la biodiversité; nous pensons que l’urgence est la lutte aux changements climatiques. Ces deux enjeux environnementaux sont bien sûr liés.

MF — Nous soutenons le principe d’aménagement écosystémique. Nous sommes aussi en faveur de la certification Forest Stewardship Council, la seule qui est reconnue par l’ensemble des organismes environnementaux, autant par les groupes écologiques, que les Premières Nations, mais aussi les responsables de l’industrie. C’est une certification transparente qui garantit qu’avant d’exploiter une forêt il y a eu une planification et des analyses forestières en prenant en compte les écosystèmes et les usages. Cela permet une bonne gestion.

ASP — Coalition Bois Québec, est-ce une bonne idée?

RB — Bien sûr que oui! Ce lieu de rassemblement réunit autour de la même table divers intervenants, de toutes provenances, qui pensent qu’il importe d’utiliser du bois dans la construction non résidentielle. Notre mission est de faire augmenter son taux d’utilisation au-delà des 15 % actuels. Dans la construction résidentielle, ce matériau compte pour 95 % alors pourquoi ne pas imaginer que les hôpitaux, les écoles, les centres commerciaux et édifices du gouvernement soient bâtis en bois. Il y a déjà de beaux exemples, comme le Centre Kruger à Laval déjà construit et le futur édifice de la CSN qui sera édifié en bois, mais cela reste anecdotique. Ce matériau est pourtant au cœur de notre culture. Et si l’on développe des solutions novatrices, il sera même possible d’exporter ce savoir-faire. Le bois, c’est l’avenir.

MF — Greenpeace salue cette initiative. Si nous avons rendu public un avis, C’est que nous étions persuadés que cette concertation autour du bois permettrait la production de produits à valeur ajoutée en plus du bois d’ingénierie. Mais nous prenons également position pour la protection des forêts intactes. Nous voulons des garanties selon lesquelles le bois utilisé réponde aux exigences sous-tendant le développement durable.

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