Ce n’est pas de la pseudoscience, mais c’est peut-être la recherche scientifique la plus « limite » : l’écoute de signaux extraterrestres. On a beaucoup d’arguments solides pour appuyer le fait qu’ « ils » sont là-haut, quelque part, mais on n’a toujours pas le plus petit embryon de preuve. Et la recherche vient de passer le cap de son premier demi-siècle.

Le 19 septembre 1959, la revue Nature publiait un article intitulé « Searching for Interstellar Communications ». L’article était on ne peut plus austère : plus mathématique qu’astronomique. C’était le résultat d’une discussion entre les deux auteurs, l’astronome Philip Morrison et le physicien Giuseppe Cocconi, de l’Université Cornell. Si une intelligence extraterrestre existe, s’était-il demandé, quel serait le moyen le plus simple dont elle disposerait pour communiquer? Réponse : la radio. Et quelle fréquence utiliserait-elle? Peut-être celle de l’hydrogène, sachant qu’il s’agit de l’élément le plus commun de tout l’univers.

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Certes, prenaient-ils la peine de souligner, leur argument pouvait s’apparenter à de la science-fiction. Mais « la présence de signaux interstellaires est cohérente avec tout ce que nous connaissons » de l’évolution biologique et cosmique, et, plus intéressant dans le contexte de 1959, « si de tels signaux existent, les moyens de les détecter sont à présent à la portée de la main ».

Ce n’était pas juste la technologie qui leur était favorable. En 1959, les Soviétiques avaient envoyé la première sonde vers la Lune. Pour la première fois de l’Histoire, un engin humain avait échappé à l’attraction de sa planète natale. De son côté, la NASA venait de sélectionner les sept astronautes de son futur projet Mercury. Le sentiment d’être en train d’ouvrir une « nouvelle frontière » était profond, au point où en décembre 1958, l’Académie nationale des sciences avait réuni un comité de l’espace, dans le but de réfléchir aux « opportunités de recherche ouvertes par l’avènement des fusées et des outils satellites ». Philip Morrison était sur ce comité, et c’est à son retour à Cornell qu’il se lancerait dans cette discussion avec son collègue Cocconi.

Tous deux – et la revue Nature - l’ignoraient, mais au même moment, un jeune astronome nommé Frank Drake avait déjà ouvert la porte : à l’Observatoire de radioastronomie de Green Bank, dans les montagnes de Virginie-Occidentale, il avait obtenu la permission de ses supérieurs de rechercher de tels signaux sur la fréquence de l’hydrogène… à la condition de n’en parler à personne. L’observatoire était financé par les fonds publics, et le directeur ne voulait pas se faire accuser de dilapider cet argent pour de « petits hommes verts ». La parution de l’article dans Nature lui permit de sortir du placard…

Cinquante ans plus tard, un réseau de 42 antennes de six mètres vient de se mettre en marche dans les montagnes de Californie. Le Allen Telescope Array (ATA), financé par un mécène (le cofondateur de Microsoft Paul Allen), succède à des projets de courte durée (celui de Frank Drake à Green Bank) ou de plus longue haleine : le Projet Phoenix, à l’observatoire d’Arecibo, Porto Rico, a ainsi duré une décennie, jusqu’en 2004; il a « écouté » 800 étoiles sur un ensemble limité de fréquences (on ne se contente plus juste de l’hydrogène). L’ATA, s’il se rend jusqu’au bout de ses objectifs – les dons du mécène ne suffisent pas - pourra écouter des millions d’étoiles sur des milliers de fréquences.

Mais en attendant, rien. Et dans l’intervalle, la recherche d’extraterrestres a pris des assises scientifiques plus solides, sous le titre d’astrobiologie. Plutôt que d’hypothétiques signaux, des astrophysiciens cherchent les molécules de la vie dans les météorites, les comètes ou les nuages interstellaires; sur notre propre planète, d’autres cherchent les traces de vie dans les milieux les plus hostiles, dans l’espoir qu’elles nous éclairent sur ce à quoi pourrait ressembler la vie sur Mars. Du côté de la NASA, le lancement cette année du télescope Kepler est la dernière étape d’une chasse de 15 ans de planètes tournant autour d’étoiles autres que notre Soleil; une quête qui, si tout se passe comme prévu, pourrait révéler dans la prochaine décennie des planètes de la même taille que la Terre, et favorables à la vie.

Autrement dit, ce n’est plus de l’hypothétique, mais du tangible.

D’après « l’équation de Drake », formulée en 1960, il pourrait y avoir 10 000 civilisations, dans notre galaxie, capables de radiodiffuser. Ne devrait-on pas avoir capté quelque chose à l’heure qu’il est?

A moins, bien sûr, que la radio ne soit désormais un mode de communication trop primitif pour elles…

Pascal Lapointe

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