Une étude nutritionnelle menée l’an dernier à Toronto a permis de noter que la perception « santé » d’un aliment se traduisait par une surconsommation de ce même aliment. Comme si les consommateurs perdaient de vue le nombre de calories ingérées…

C’est ce qu’avait observé la nutritionniste Véronique Provencher, maintenant rattachée à l’Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels. Depuis, elle a mis sur pied une programmation de recherche dont l’objectif principal est d’évaluer dans quelle mesure les perceptions que l’on se fait d’un aliment influencent l’apport alimentaire et l’appétit.

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Ainsi, lorsqu’un aliment est présenté à des gens, paré d’allégations nutritionnelles favorables à la santé, ceux-ci en « oublieraient » le contenu réel en calories, allant jusqu’à augmenter leur consommation alimentaire de plus du tiers (35 %). « Une participante m’a raconté que lorsqu’elle se rend dans un Tim Horton, elle préfère toujours le muffin au beigne, “question santé”! Mais comme un muffin “c’est beaucoup plus santé”, me dit-elle, il n’est pas rare qu’elle en mange deux! »

Se pourrait-il que notre perception des aliments soit aujourd’hui l’objet de bien des distorsions? Véronique Provencher n’est pas loin de le penser. Et elle pointe d’ailleurs du doigt ce qu’elle appelle « l’auréole santé » dont on entoure de plus en plus d’aliments. « Toutes sortes de logos sont apposés sur les aliments aujourd’hui – le petit rectangle avec le crochet à l’intérieur symbolisant le logo “Visez santé”, par exemple, ou d’autres. La Food and Drug Administration aux États-Unis, qui réglemente ce secteur, est intervenue récemment concernant le logo “Smart choice” qu’une entreprise avait apposé abusivement sur une boîte de céréales qui contenait du sucre ajouté. Tout cela devient confondant dans la tête des gens : c’est santé ou ce ne l’est pas? De plus, les logos entraînent un effet inattendu : les gens en viennent à court-circuiter la lecture qu’ils feraient habituellement de l’étiquette nutritionnelle, où se retrouvent les composants de l’aliment. »

La nutritionniste est actuellement à mettre en route une nouvelle étude qui mettra en scène 180 hommes et 180 femmes. Hommes et femmes (âgées entre 18 et 65 ans) seront divisés en trois groupes. Des bouchées de biscuits cuits sur place leur seront alors présentées. Le premier groupe recevra les bouchées accompagnées d’un discours santé; le second aura droit aux mêmes bouchées, mais avec des allégations « diète » cette fois; quant au dernier, on leur servira les biscuits « enveloppés » d’un discours « pas santé ». On mesurera alors les quantités consommées d’un groupe à l’autre.

Véronique Provencher est curieuse : elle se demande notamment si les résultats de Québec corroboreront ceux de Toronto, où on avait noté, sans l’expliquer, que la surconsommation n’était l’apanage que des femmes. « Ce qui se passe dans la tête des gens — hommes ou femmes — aujourd’hui, devant la nourriture, est encore un vaste domaine à explorer. Et ceux qui conçoivent les messages quant à la bonne alimentation et la gestion du poids devront en tenir compte dans les prochaines années, au risque de rater la cible. »

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