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Pourquoi le Nobel de médecine 2010 va-t-il à la fécondation in vitro? Parce qu’une naissance qui semblait impossible il y a 32 ans est devenue pratique courante aujourd’hui. Et on ose à peine imaginer où on en sera, dans 32 ans.

Dans un article qu’il publiait en 2001 dans Nature, le futur nobélisé Robert G. Edwards expliquait combien les recherches sur la fécondation in vitro et sur les cellules souches étaient liées, depuis aussi loin que les années 1960. Or, si les premières ont atteint leur but en 1978 avec la naissance de Louise Brown, le premier bébé-éprouvette, les deuxièmes commencent à peine à dévoiler leur potentiel : pourrons-nous par exemple faire croître des ovules et du sperme artificiels grâce aux cellules souches, ce qui mettrait définitivement fin à l’infertilité? Jusqu’où irons-nous dans la « sélection » du bébé à naître?

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Ces questions d’éthique appartenaient à la science-fiction il y a un demi-siècle : alors que Robert Edwards, à l’Université Cambridge, élaborait —un travail de deux décennies — les grandes lignes de ce qui deviendrait la fécondation in vitro — c'est-à-dire permettre à un spermatozoïde de féconder un ovule en éprouvette, puis implanter cet ovule dans le ventre de la mère— même cette percée paraissait si hypothétique que peu de chercheurs croyaient la voir de leur vivant.

La naissance réussie de Louise Brown en Grande-Bretagne, le 25 juillet 1978, allait donc donner lieu à une avalanche de débats éthiques : était-il légitime de jouer ainsi avec la nature? La fécondation in vitro ouvrait-elle la porte à des « usines à bébés »?

En fait, rappelle le New York Times, dans les années 1970, les recherches du Dr Edwards et de son collègue aujourd’hui décédé, le Dr Patrick Steptoe, étaient trop controversées au goût du Conseil de recherche médical — l’organisme subventionnaire de la recherche médicale en Grande-Bretagne — au point où celui-ci avait rejeté leur demande de subvention. Les recherches sur la fécondation in vitro s’étaient poursuivies grâce à des fonds privés.

Aujourd’hui, on estime que 4 millions de bébés sont nés grâce à cette technique. Comme l’écrit le comité Nobel dans son communiqué annonçant l'attribution du Nobel de médecine 2010 : « plusieurs [ de ces bébés ] sont maintenant adultes et certains sont déjà devenus parents. Un nouveau champ de la médecine a émergé, grâce à Robert Edwards... Ses contributions représentent un jalon dans le développement de la médecine moderne. »

Et comme preuve que la pratique est devenue socialement acceptable, le débat éthique s’est déplacé ailleurs : on s’inquiète désormais des cellules souches. Dans son article de 2001, Robert G. Edwards —aujourd’hui âgé de 85 ans— se demandait s’il s’agissait de la bonne cible :

L’éthique des cellules souches est un problème mineur, quand on le compare aux problèmes soulevés par le don d’ovule, la location d’utérus, la congélation d’embryons, la recherche sur les embryons humains précoces, le diagnostic génétique pré-implantatoire et le clonage adulte.

Reste que le simple fait de poser ces questions démontre à quelle vitesse, dans l’espace d’une vie humaine — la sienne — les choses ont changé, depuis l’époque où un jeune chercheur britannique cherchait à comprendre le processus de croissance de l’ovule et le moment précis où celui-ci est « mûr » pour être fécondé —que ce soit dans l’utérus ou dans une éprouvette.

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