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WASHINGTON - En Egypte, Facebook. En science, le cloud computing. Le point commun? Dans les deux cas, on sait où on est, on ne sait pas où on s’en va!

Le « cloud computing », joliment traduit par informatique en nuage, est un autre de ces mots-magiques (buzzwords dans la langue de Bill Gates) à propos desquels on nous promet monts et merveilles. Pourtant, si le principe est assez large pour représenter plein de choses aussi banales que Gmail —la possibilité d’entreposer vos données sur Internet et de les rendre accessibles à d’autres— il y a également des applications en science. Et pas que de banals échanges de documents : si ses promoteurs ont raison, ce n’est rien de moins qu’une nouvelle façon de faire de la science qui est en train d’émerger.

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Mais si tel est le cas, il y a de quoi trouver modeste l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS) qui, dans le cadre de son congrès annuel tenu ces jours-ci à Washington, n’a consacré qu’un seul atelier, relativement peu couru, à cette « révolution ». C’est ce sur quoi a insisté, dans sa synthèse de fin de séance, Michael Nelson, de l’Université Georgetown.

L’enthousiasme des promoteurs était palpable lors de cet atelier, le 18 février. La gigantesque masse de données amassées par le Large Hadron Collider, à la poursuite des secrets de l’Univers, ou par les chasseurs de planètes extrasolaires, c’est du cloud computing, a rappelé Jeannette Wing, de l’Université Carnegie Mellon —puisqu’aucun ordinateur ne pourrait emmagasiner, encore moins traiter, tout cela. Les processeurs de Google qui permettent de faire des recherches en une fraction de seconde, c’est aussi de l’informatique en nuage —délocalisée, décentralisée, dispersée. Tout comme Wikipédia ou l’Encyclopaedia of Life, qui se donne pour mission de créer un chapitre sur chacune des 2 millions d’espèces vivantes recensées, a raconté Jennifer Preece, de l’Université du Maryland.

Les enjeux sont bien sûr technologiques (comment emmagasiner toujours plus de données... et y accéder toujours plus vite?) mais arrive un moment où ce ne sont plus juste des questions techniques qu’il faut poser. La National Science Foundation, le géant de la subvention publique de la recherche aux États-Unis, y a pensé il y a déjà 10 ans, en commençant à parler « d’informatique socialement intelligente ». Ça ne veut rien dire, mais ça renvoie à l’image, popularisée dans la littérature, d’une intelligence collective, plutôt qu’individuelle : comment un grand groupe de gens (et de machines) peut-il apprendre à récolter des données et à les traiter collectivement?

Pas juste une armée de tâcherons qui exécute les ordres d’un grand chef. Plutôt une armée où la hiérarchie traditionnelle a perdu tout son sens, ce qui ne l’empêche pas d’être très bien organisée et auto-disciplinée —et ici, on touche à ce qui a fait le succès de Facebook et de Twitter... et à cette révolte pacifique en Tunisie et en Egypte.

Mais la science là-dedans? Comment dépasser la simple compilation de données, comme Wikipédia ou l’Encyclopedia of Life? Ce qui incite à mettre des bémols, c’est que la réalisation scientifique la plus « innovatrice » qu’a pu brandir Norman Whitaker, de DARPA (Agence de recherches du ministère américain de la Défense), c’était... un jeu. En 2009, pour souligner le 30e anniversaire d’Internet, DARPA a placé dix ballons météo rouge aux quatre coins des États-Unis : le premier qui identifierait leur emplacement gagnerait 40 000$.

Pour gagner, avait jugé DARPA, il faudrait nécessairement passer par du partage d’information égalitaire, imaginer une sorte de mise en réseau de l’information. Bref, expérimenter l’informatique en nuage. C’est ce qu’a réussi une équipe d’étudiants du MIT.

Mais la « vraie science », elle? « Les ballons rouges, c’était très amusant, commente Michael Nelson, mais ça ne résonne pas vraiment avec moi. Ce n’était pas une expérience transférable dans le vrai monde. Il y aurait eu d’autres défis plus utiles », poursuit-il, des défis utiles socialement, médicalement, sinon, ça restera un amusement pour les nerds.

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