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Certains synesthètes peuvent goûter des mots. Non seulement ces associations sont apparues au cours de l’enfance, il serait aussi possible qu’elles se soient créées à partir d’épisodes de vie.

«On a pu en effet retracer l’origine de plusieurs associations décrites par mon sujet d’étude», explique François Richer, chercheur en neurologie à l’Université du Québec à Montréal. Le sujet étudié par le neurologue, une étudiante qui s’est manifestée lors d’un de ses cours, avait développé à l’âge de sept ans une association entre les raisins secs et le mot Atis – le prénom de la seule de ses amies à manger ce fruit. Tous les mots phonétiquement similaires à Atis, dont Améthyste, lui évoquent aujourd’hui ce goût.

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Les synesthètes, qui représentent au plus 4% de la population, ont certains sens qui s’entrecroisent. Ils peuvent, par exemple, voir des lettres en couleur ou goûter des notes de musique. Chez la majorité des gens, bon nombre de connexions entre les neurones disparaissent au cours de l’enfance. Mais ce ne serait pas le cas des synesthètes. Ainsi, l’information circulerait plus librement entre les aires sensorielles, connectant leurs différents sens.

Les récents travaux de François Richer ont aussi permis de confirmer que les associations pouvaient changer au cours de la vie. «Pour certains, Madonna évoque le mauvais goût musical, blague-t-il. Pour mon sujet, la voix de la Madone évoquait plutôt le goût des biscuits Doigts de Dame. Plus tard dans sa vie, cette association est disparue complètement. Ce timbre vocal évoque aujourd’hui les Munchkins du Dunkin’ Donuts.»

Car les signatures vocales aussi peuvent déclencher des évocations gustatives. «C’est complètement nouveau. Mais on aurait pu s’y attendre, car les aires du cerveau qui traitent ces sens sont très rapprochées. Ça explique l’interférence entre les deux parties,» explique le chercheur.

Les croisements sensoriels peuvent aussi être bidirectionnels, précise-t-il. «Normalement ça ne va que dans un sens. Le mot magasinage, par exemple, peut évoquer les croustilles Ruffles. Le sujet que j’étudiais, toutefois, pensait automatiquement au magasinage lorsqu’elle mangeait ces grignotines –et ce n’est pas parce que c’était une femme!»

Le chercheur compte maintenant étudier son sujet en neuroimagerie pour vérifier l’hypothèse des connexions neuronales entre les aires sensorielles qui expliquerait les associations entre les sens.

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