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Des biologistes voulant étudier l’évolution ont trouvé une façon de faire voyager des petits crustacés dans le temps. Et en pimentant cela avec un peu de sexe, ce qui garantit toujours un bon titre...

Explication (tordue). L’évolution est affaire de compétition. Le mâle utilise toutes sortes de stratégies pour être celui qui, entre tous les concurrents, transmettra ses gènes à la femelle. Et la compétition ne s’arrête pas au moment de l’accouplement, puisque certains mâles « livrent » à la femelle, en même temps que leurs spermatozoïdes, un poison pour éliminer le sperme de mâles précédents ou des anti-aphrodisiaques pour rendre la femelle moins tentée par d’autres compagnons.

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Mais comme ces produits sont toxiques pour elle, au fil des générations, la femelle peut à son tour s’adapter en développant des antidotes. Et les mâles des générations suivantes s’adapteront à leur tour. Et ainsi de suite, comme une course aux armements.

Comment tester tout ça? On peut, en laboratoire, enlever à l’un ou l’autre des partenaires une de ces adaptations, et voir si la descendance sera différente. Les biologistes de l’évolution ont fait beaucoup de ces expériences avec des mouches drosophiles : par exemple, s’ils manipulent les gènes de manière à empêcher les femelles de voir évoluer leurs stratégies d’adaptation aux toxines, le résultat est que l’espérance de vie des femelles, de génération en génération, diminue. À l’inverse, s’ils obligent les mâles à ne s’accoupler qu’avec une seule femelle, au fil des générations, le sperme des mâles devient moins toxique (puisqu’il n’y a plus d’avantage à éliminer les concurrents) tandis que les femelles perdent leurs défenses.

L’idée qu’ont eue les biologistes français Nicolas Rode, Anne Charmantier et Thomas Lenormand, du Centre d’écologie évolutive et fonctionnelle de Montpellier, c’est une façon pour le moins inédite de tester l'évolution, en obligeant des mâles et des femelles à voyager dans le temps pour s’accoupler.

Nul besoin d’une grosse machine ici. Ils ont choisi de petits crustacés appelés les artémies. Les artémies produisent des oeufs solides qui peuvent survivre à des sécheresses pendant des décennies, avant d’éclore dès que l'eau revient. Dans le grand désert de l’Utah, les biologistes ont prélevé de tels oeufs remontant à 1985, 1996 et 2007. Ils les ont fait éclore en laboratoire puis ont comparé : qu’arriverait-il si on faisait s’accoupler des femelles du futur avec des compagnons du passé, ou des femelles du passé avec des compagnons de leur futur?

Il faut préciser ici qu’à raison de sept générations par année, 22 ans peut signifier un écart de 160 générations...

L’évolution étant ce qu’on vient de décrire, la logique voudrait que les femelles soient mieux adaptées aux mâles de leur propre époque. Et c’est ce que semblent confirmer les chercheurs : plus le mâle avec lequel elles s’accouplent est éloigné dans le temps, plus cela diminue l’espérance de vie de la femelle (jusqu’à 12%).

Comme l’écrit le journaliste Carl Zimmer : avoir des relations sexuelles avec un partenaire du futur peut être mauvais pour votre santé.

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