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Parmi les questions qui ont renvoyé face à face la gauche et la droite après le 11 septembre, la plus importante a été celle de la contre-attaque américaine. Pour les uns, elle fut justifiée, pour les autres, disproportionnée. Dix ans plus tard, la science peut fournir des chiffres.

Ça semble terriblement cynique, mais deux chercheurs ont réalisé ce qu’ils appellent une «analyse coûts-bénéfices» des efforts antiterroristes entrepris par les États-Unis après le 11 septembre 2001. Et leur réponse est sans appel: la réaction a été disproportionnée.

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D’abord, les dépenses: celles du fédéral, des États, des villes et des compagnies, s’élèveraient à 1000 milliards$, écrivent John Mueller, professeur de sciences politiques à l’Université d’État de l’Ohio et Mark Stewart, ingénieur et expert en analyse de risques à l’Université australienne de Newcastle (et ça n’inclut pas les deux guerres). Leur travail est paru dans une revue appelée Homeland Security Affairs .

L’euphémisme suit: «beaucoup d’argent semble avoir été mal dépensé et aurait été plus productif —aurait sauvé davantage de vies— s’il avait été dépensé autrement».

David Ropeik, qui est souvent cité comme expert de ce que nous percevons comme un risque, pond un texte d’opinion qui, à la question «sommes-nous plus en sécurité», en propose une autre: «sommes-nous plus sages».

Toute forme de risque, écrit-il, nous préoccupe davantage si nous croyons que ça peut nous arriver, plutôt que d’arriver à quelqu’un d’autre. Et ça nous fait encore plus peur «lorsque nous ne savons pas ce que nous devons savoir pour nous protéger». C’est dans ce contexte que s’est opérée cette réaction disproportionnée :

Plus nous sommes inquiets, plus nos jugements, nos choix et nos réponses sont basés sur nos émotions, plutôt que sur les faits. Des études neurologiques ont découvert que la peur domine facilement la raison. La peur nous garde en vie, mais des décisions basées sur la peur nous conduisent parfois à des erreurs... erreurs qui peuvent créer de nouveaux risques, et imposer de nouveaux coûts excessifs.

Or, quels sont les coûts de la guerre en Iraq? 4792 soldats tués, dont 4474 Américains, et plus de 100 000 Iraquiens dont on est sûr. Un autre 3000 à 4000 milliards$ rien que pour la guerre, dépendamment de ce que vous incluez dans la facture. Plus les 1000 milliards$ en sécurité déjà mentionnés.

Mueller et Stewart notent d’ailleurs qu’en général, les gouvernements jugent comme «acceptable» un risque de décès inférieur à une personne par million par année (accident d’avion, contamination par telle toxine, etc.). Or, le taux de mortalité par le terrorisme est de loin inférieur, si on le reporte sur 30 ans: un Américain sur 3,5 millions entre 1970 et 2007, selon leurs calculs. Contre un sur 8000 qui meurt dans un accident d’auto, ou un sur 53 000 dans un accident industriel. Dans un courriel cité par le chroniqueur John Horgan, John Mueller élabore là-dessus :

La question-clef, qui n’est bien sûr jamais posée, est: quelle serait la probabilité [de mourir] si ces mesures de sécurité accrues n’avaient jamais été mises en place? Imaginons que les risques, sans les mesures de sécurité, aient été d'un décès sur 2,5 millions par année, est-ce que les billions de dollars justifieraient ce gain en sécurité? C’est-à-dire de passer d'extrêmement sécuritaire à extrêmement extrêmement sécuritaire?

On aurait d’ailleurs tort d’arrêter les analyses de risques à ces seules considérations, poursuit Ropeik. Il rappelle une étude de l’Université du Michigan qui avait estimé à 1018 le nombre de décès de plus sur les routes des États-Unis dans les trois mois suivant le 11 septembre 2001... résultat statistique du plus grand nombre de gens qui avaient alors décidé de ne pas prendre l’avion.

Les défenseurs de toutes les mesures antiterroristes prétendent qu’elles ont permis d’éviter davantage d’attentats. Si cet argument relève davantage de l’opinion (impossible à prouver) que de la science, en revanche, on peut tenter d’estimer scientifiquement combien de morts sur la route ou dans des accidents industriels auraient été évités si telle ou telle partie de ces milliers de milliards y avait été consacrée. Un autre beau sujet d’étude pour les économistes d’ici 2021?

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