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Notre système immunitaire n’est pas une découverte récente: certains Chinois avaient compris le principe des vaccins il y a un millier d’années. Mais c’est seulement au cours du dernier demi-siècle qu’on a commencé à décoder son fonctionnement, et c’est une partie de ce décodage qui est au coeur du Nobel de médecine 2011. Explication.

Même les enfants apprennent que nous possédons un système immunitaire: une courageuse armée qui nous protège contre de vilains envahisseurs, et à laquelle il faut parfois envoyer des renforts —les médicaments ou les vaccins.

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Et pas juste nous: les trois scientifiques qui ont remporté le Nobel de médecine cette année ont travaillé sur des humains, des sauterelles, des mouches à fruits et des souris. Dans chaque cas, le principe est le même: comment le système immunitaire arrive-t-il à distinguer un ami d’un ennemi?

Le système immunitaire: apprendre à apprendre

En dépit des apparences, le processus reste encore en bonne partie mystérieux, mais on a au moins compris qu’il y en avait deux, de processus, à l’oeuvre : le système immunitaire inné, qui est notre première ligne de défense, et le système immunitaire adaptatif, qui apprend à réagir au fur et à mesure de nos rencontres avec les méchants.

L’Américain Bruce Beutler et le Français Jules Hoffmann, qui remportent une moitié de la récompense associée au Nobel, se sont consacrés à l’inné. Le Canadien Ralph Steinman s’est consacré à l’adaptatif. C’est lui qui est décédé vendredi d’un cancer et qui, à ce que son université a prétendu —mais ça reste à prouver— aurait prolongé sa vie grâce à un traitement s’appuyant sur ses propres découvertes: les cellules dendritiques.

Dendritiques: les enseignantes du système immunitaire

Comme l’indique son nom, le système adaptatif permet des ripostes plus spécifiques. Il doit celles-ci aux cellules dendritiques. Découvertes par Ralph Steinman en 1973, ces dernières sont présentes notamment dans le sang et dans la peau, où elles commencent par jouer leur rôle de soldates en avalant et digérant l’intrus.

Mais c’est ensuite que ces cellules jouent leur rôle le plus important: transportant, sur leur surface, des fragments de l’intrus appelés antigènes, elles se présentent aux ganglions, où elles activent les cellules du système adaptatif (les lymphocytes). Celles-ci apprennent du coup à reconnaître l’antigène et, à la prochaine occasion, s’il y en a une, elles cibleront encore mieux leur riposte.

L’inné est venu après l’acquis

On aurait pu croire que le système inné, plus général, serait beaucoup mieux connu, mais les deux autres Nobelisés n’ont pourtant réussi leurs percées que plus tard.

Jules Hoffmann, ainsi, est celui qui a travaillé sur des sauterelles et des mouches à fruits, démontrant que leurs mécanismes immunitaires étaient très similaires aux nôtres. En 1996, il mettait en évidence le rôle de gènes récepteurs appelés Toll, indispensables pour distinguer des ennemis tels que champignons, virus et bactéries, des amis.

Deux ans plus tard, de l’autre côté de l’Atlantique, Bruce Beutler, alors qu’il était lui aussi à l’Université Rockefeller, découvrait chez des souris un gène récepteur semblable au Toll des insectes, mais capable, lui, de distinguer une substance produite par les bactéries, le LPS (lipopolysaccharide). S’il perce les défenses immunitaires, le LPS peut provoquer un choc septique, qui dans les cas extrêmes, entraîne la mort.

Infections... et cancer?

Tout cela a contribué, et contribue encore, à améliorer considérablement les traitements contre les infections. Mais, moins connu du grand public, on en a aussi appris sur le cancer, puisque plusieurs travaux récents laissent croire qu’un système immunitaire « stimulé » pourrait jouer un rôle positif contre le cancer. C’est dans ce contexte que Ralph Steinman a peut-être prolongé sa vie lorsqu’il s’est su atteint, il y a quatre ans, d’un cancer du pancréas.

«Sa vie a été prolongée grâce à une immunothérapie basée sur des cellules dendritiques conçues par lui», a-t-on pu lire dans un communiqué de l’Université Rockefeller, à New York, où il enseignait encore, à l’âge de 68 ans. Les collègues qui ont travaillé sur ce traitement expérimental étaient toutefois plus prudents: il est impossible de déterminer si le Dr Steinman aurait survécu aussi longtemps sans ce traitement (doublé de la plus traditionnelle chimiothérapie), a insisté le Dr Michel Nussenzweig.

Sauf que, traitement ou pas, cette piste en dit long sur tout ce qui reste de mystérieux dans le système immunitaire: souvent, sans que les médecins ne sachent pourquoi, le système immunitaire d’un patient va réagir de façon excessive. C’est ce qu’on appelle une maladie auto-immune, telle que l’arthrite rhumatoïde : le corps, littéralement, devient son propre ennemi. Il part en guerre contre lui-même.

Le cancer résiderait-il dans une zone grise où un dysfonctionnement du système immunitaire jouerait un rôle? Celui qui trouvera la réponse à cette question sera en lice pour un Nobel des années 2030.

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