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Quand on en est rendu au point où on peut reconstituer les migrations des dinosaures par leurs dents...

Les experts en fossiles humains —avec un peu d’aide de la physique— le font depuis longtemps: chaque fois que l’un de nous boit de l’eau, l’émail de nos dents garde une trace des atomes d’oxygène contenus dans l’eau. Comme la «signature isotopique» de cet oxygène peut varier d’une région à l’autre, on peut en théorie, de cette façon, reconstituer les déplacements d’un ancêtre mort depuis longtemps.

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Le problème est que cette technique ne fonctionne que si les abreuvoirs existent encore: en prélevant de l’eau ici et là, on finit par voir quel endroit correspond à la signature isotopique de notre fossile. Mais dans le cas d’animaux disparus depuis plus de 65 millions d’années, la tâche est impossible: les étangs, les lacs, les rivages de cette époque, tout cela a depuis longtemps été effacé.

Et pourtant, il y a un truc, a découvert le géologue Henry Fricke, du Collège du Colorado. Il est caché dans la roche. Cette trace subtile que l’on cherche, l’eau l’a également laissée dans la roche.

C’est que l’oxygène favorise la croissance de certains minéraux, comme le calcaire, qui gardent une trace de ces isotopes, de la même façon que l’émail de vos dents. Donc, si on parvient à trouver des roches dont la signature correspond au dinosaure, on peut en déduire que celui-ci s’est abreuvé dans le coin, même si son fossile a été découvert à 300 kilomètres de là.

C’est en gros ce qui a permis à Henry Fricke et à ses collègues d’écrire, dans l’édition du 26 octobre de Nature, que, voici 150 millions d’années, un groupe de Camarasaures —des bestioles de 18 tonnes— gravissait les collines volcaniques de ce qui s’appelle aujourd’hui la formation Morrison (en gros, une bonne partie des plaines de l’ouest des États-Unis), là où ils savaient qu’ils allaient trouver de quoi étancher leur soif.

Considérant qu’on n’accomplit pas pareille distance juste pour ses ablutions matinales, il se pourrait qu’on ait mis le doigt des dinosaures migrateurs: un déplacement saisonnier, depuis les terres basses davantage asséchées en été, vers des terres plus hautes, encore fertiles en eau et en nourriture, avec retour au point de départ lorsque commence la saison des pluies.

Reste que ça n’est pas la fin de l’histoire. D’autres paléontologues soulignent qu’on est encore loin de tout savoir sur la façon dont les isotopes d’oxygène s’accumulent dans l’émail des dents de dinosaures, et que cette idée de migration sera plus convaincante quand on l’aura examinée chez d’autres espèces.

Quant aux enfants qui collectionnent les dinosaures, ils voudront probablement savoir si c’étaient seulement les géants comme le Camarasaure qui entreprenaient d'aussi longs voyages...

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