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Le ballet des grues de démolition du Quartier des spectacles de Montréal transforme le tissu urbain. Une mécanique amorcée, il y a plus de 60 ans que le jeune doctorant Sylvain Garcia de l’Université Polytechnique de Catalogne a documenté pour le colloque Démolition et renouvellement urbain qui se tenait récemment à Montréal.

Élargissement des voies de circulation, création de l’autoroute Ville-Marie, suppression du square Dufferin, élimination de ruelles. La reconfiguration du tissu urbain des années 1950 a pris corps sous nos yeux.

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Il faut dire que les motivations pour démolir n’ont jamais manqué: impératifs militaires, raisons utilitaires, impératifs sanitaires, engouement pour la modernité. Avec pour résultat, souligne le chercheur, «cette rupture d’échelle avec l’éradication de nombreux bâtiments anciens qui fait disparaître l’ancien quartier résidentiel et le vide sa population.»

Reconstruire la ville sur elle-même

Face à la démolition, la réaction ne se fait pas attendre. Déjà à la fin du 19e apparaît la naissance de l’archéologie urbaine qui pose la question: faut-il choisir la mémoire ou la modernité? Deux visions qui s’affrontent et dont les choix seront sociétaux.

Avec l’émergence des sensibilités patrimoniales, le projet urbain s’adapte en fonction des résistances. Apparaissent alors le «façadisme» (seules les façades sont conservées), les réhabilitations et le recyclage d’anciens bâtiments historiques.

À Montréal, c’est la destruction de la maison Van Horne qui a tiré la sonnette d’alarme. Les démolitions deviennent plus souvent chirurgicales, comme en témoigne le récent projet du Musée des Beaux-Arts.

Contrairement aux villes américaines où l’on assiste à une construction continue sans limites d’espace, les villes européennes, limitées par les murailles, sont condamnées à se renouveler sur elles-mêmes. «Le cœur de la ville de Rome a été conservé à l’identique tandis que la ville de Venise est devenue une œuvre d’art qui tombe en loques. La mission patrimoniale fige la ville», note Michel Max Raynaud, professeur d’urbanisme à la faculté d’aménagement de l’Université de Montréal.

La démolition et sa symbolique

Démolir est un acte puissant qui façonne, à sa manière, l’espace, prévient les périls et permet de s’approprier la ville. «Notre rapport au temps devient rétroprojectif: on projette dans le futur ce qu’on a perdu, on conserve au maximum et il y a peu de travail de “futuration”», précise Philippe Genestier du Laboratoire R.I.V.E.S. de l’École nationale des travaux publics de France. Face à la démolition, nous perpétuons notre continuité: une volonté de maîtrise de l’espace et du temps!

Gérard Beaudet, professeur à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal, ajoute que les infrastructures routières et les grands équipements symbolisent la confiance en soi et la compétitivité de la métropole. «L’exemple extrême est celui de Le Corbusier avec son îlot no 6. Une approche radicale rejetée par la population attachée à la mémoire et à l’identité de sa ville.»

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