agriculture.gif
Autre semaine, autre étude sur les OGM. Les médias ont brièvement bourdonné d’une information selon laquelle la technologie des OGM aurait obligé les agriculteurs à utiliser 11% plus d’herbicides que jadis. Évolution prévisible ou fausse alerte?

Si ça se vérifiait, ce serait mauvais pour l'image des OGM, puisqu’une partie de leur raison d’être est de limiter l’usage des herbicides et des insecticides dans les champs, grâce à des plantes qui ont été génétiquement modifiées de façon à être déjà résistantes à leurs ennemis.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Le premier problème, qui n’était pas mentionné dans les reportages initiaux, ni dans le communiqué de l’université, est que l’auteur unique de cette recherche, Charles Benbrook, de l’Université d’État de Washington, est le conseiller scientifique en chef d’un organisme national, le Organic Center, voué à la promotion de l'agriculture biologique. Ces dernières années, il a plusieurs fois souligné sa conviction que les OGM n’avaient pas réduit l’usage des herbicides.

Ce même Benbrook, dans une conférence organisée le printemps dernier, associait la consommation d’OGM à une hausse de l’autisme, du déficit d’attention, des maladies auto-immunes et de l’asthme.

Le second problème, c’est que l’étude parue le 28 septembre —dans la revue Environmental Sciences Europe— est une version remise à jour d’une étude publiée en 2009 par le Organic Center lui-même. Ses conclusions, appuyées en partie sur les données du ministère américain de l’Agriculture, sont que l’usage d’herbicide a donc augmenté de 11% depuis 1996 —et que cette augmentation irait en s’accélérant depuis 2007. Plus spécifiquement, les fermes utilisant l’herbicide RoundUp de Monsanto en utiliseraient 24% de plus que les fermes comparables «sans OGM».

Par contre, l’usage d’insecticides, lui, a diminué entre 1996 et 2011, constate Benbrook, sans offrir d’explication sur cette apparente contradiction.

Dès la parution de l’étude originale, en 2009, la généticienne Anastasia Bodnar écrivait dans Biofortified —un webmagazine favorable au génie génétique— que:

Tous les OGM ne sont pas créés égaux. Les deux traits actuellement sur le marché des biotechnologies sont la résistance aux herbicides et la résistance aux insectes. Ces traits sont de toute évidence fort différents, mais le gros du rapport les met sous la même étiquette «plantes OGM».

Ce mois-ci, l’agronome Andrew Kniss, de l’University du Wyoming, reproche à Benbrook d’avoir choisi uniquement les données qui lui permettent d’arriver aux conclusions souhaitées. Par exemple, le ministère américain de l’Agriculture ne possède pas de données sur le soja OGM pour une bonne partie des années 2000, et en particulier pour 2007-2011. En conséquence, écrit Kniss, «70% de l’augmentation d’herbicides qu’estime [Benbrook] s’appuie sur ses propres extrapolations des données sur le soja». Autrement dit, les statistiques les plus spectaculaires, celles qui font état d’une accélération de l’usage d’herbicides ces dernières années, relèvent de la spéculation.

L’apparition d’une résistance à un pesticide ne devrait pourtant pas surprendre: tout produit utilisé à répétition contre des êtres vivants —qu’on pense aux antibiotiques contre les bactéries— finit tôt ou tard par se heurter à une famille de ces êtres vivants qui a développé une résistance. La seule parade, en agriculture, est d’alterner d’une année à l’autre l’épandage de plus d’un produit.

Je donne