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La fondation canadienne Actua a décidé d’aller là où personne ne va. Dans le Grand Nord, mais aussi partout où la précarité crée un isolement aussi profond que des kilomètres de toundra. Son objectif: sensibiliser aux sciences et aux technologies tous les jeunes laissés-pour-compte de la société du savoir.

Au nord du 60e parallèle, peu nombreuses sont les ressources pour la promotion des carrières technoscientifiques. Même chose dans les bas-fonds de Toronto ou Calgary. «C’est pourtant là que les besoins sont les plus criants», dit Leslie Cuthbertson, directrice des partenariats et des communications chez Actua.

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Pour cet organisme fondé il y a 20 ans, encourager tous les jeunes à acquérir une bonne culture en science et en technologie est primordial. D’une part, pour les aider à réaliser leur plein potentiel sur le plan personnel; d’autre part, pour bâtir une meilleure société. «Une société équilibrée a besoin d’une diversité de points de vue émanant de toutes sortes de personnes, peu importe leurs origines géographique, culturelle ou sociale. C’est cette richesse qui mène à la prospérité.»

Le public cible d’Actua: les jeunes autochtones, les adolescents vivant en milieu défavorisé ou dans des régions éloignées, les enfants d’immigrants nouvellement arrivés au Canada, les jeunes filles traditionnellement peu encouragées à devenir physiciennes ou ingénieures… Autant de groupes sous-représentés dans les disciplines scientifiques, à l’école et sur le marché du travail.

«Le manque d’estime de soi est le premier obstacle qui empêche ces jeunes marginalisés de s’intéresser aux sciences. La plupart du temps, ils ne sont même pas au courant des opportunités qui s’offrent à eux. Et quand ils le sont, ils s’imaginent qu’elles ne seront jamais à leur portée parce qu’ils n’ont aucune confiance dans leurs propres capacités.»

Sur le terrain

Chaque année, Actua touche plus de 225 000 jeunes de 6 à 16 ans —un âge au-delà duquel la plupart des jeunes, s’ils restent à l’école, savent s’ils choisiront les sciences, les lettres, l’art… et où l’émerveillement pour la découverte est peut-être moins là. Grâce à son réseau de 33 institutions membres (majoritairement des universités), l’organisme peut compter sur plus de 600 moniteurs pour animer des camps de jour à saveur scientifique. Ces instructeurs sont des étudiants de premier cycle, parfois à peine plus âgés que leur public.

Les activités ont lieu sur place ou à l’extérieur du campus, la philosophie d’Actua étant d’aller rejoindre les jeunes là où ils se trouvent: dans les régions éloignées, mais aussi dans les grands centres urbains auprès d’organismes communautaires qui prennent déjà en charge les clientèles plus sensibles. Pour desservir les régions les plus reculées, en particulier dans le Grand Nord, Actua a mis sur pied une équipe d’animateurs qui œuvrent notamment auprès des populations autochtones.

«Les Autochtones ont le taux de croissance le plus élevé au Canada, tout en étant la communauté la plus sous-représentée dans les écoles secondaires, en particulier dans les disciplines scientifiques. Il y a un réel besoin de motiver ces jeunes à rester à l’école le plus longtemps possible pour leur permettre de bien comprendre les enjeux de développement dont ils seront témoins dans le futur et pour prendre une part active dans la vie de leurs communautés quand ils seront en âge de le faire.»

Autre enjeu de taille: les préparer aux opportunités d’emploi dans leur propre milieu. Déjà, on annonce une pénurie de main-d’œuvre à venir dans les domaines de l’exploitation minière, le génie et les sciences de la santé dans le Grand Nord. Des places à prendre pour des jeunes qu’on cherche à connecter le plus possible avec leur réalité.

Intégrer les savoirs ancestraux

Même si toutes les activités développées par l’organisme s’appuient sur l’acquisition de notions scientifiques en lien avec le réel, le programme de sensibilisation destiné aux jeunes autochtones incorpore une dimension culturelle supplémentaire: l’intégration des savoirs traditionnels.

«Nous le faisons par le biais de partenariats avec des organisations locales, comme les Centres de l’amitié ou les écoles, qui nous aident à trouver des bénévoles autochtones, notamment des enseignants et des aînés, pour créer et animer les programmes. Cette mobilisation de la communauté est cruciale.»

Par exemple, dans le cadre d’une activité sur la géolocalisation, le bénévole pourra compléter la partie «GPS» par une explication sur l’orientation avec les étoiles, le paysage ou les Inukshuks. Ou s’il s’agit de réfléchir à l’ingénierie des structures, des informations sur le design d’un canoë ou d’un traineau seront intégrées à l’explication.

Les partenaires locaux guident aussi Actua dans le choix des activités, en pleine connaissance des enjeux pertinents pour le développement de leur communauté.

«La santé des peuples autochtones fait partie des sujets incontournables. Dans le Nord, on fait la promotion des carrières en santé, mais aussi des saines habitudes de vie. Avec un groupe du Nunavut, quand on travaillait sur l’anatomie, un chasseur a disséqué le cadavre d’un phoque devant nous. Alors que notre animateur présentait le squelette et les organes de l’animal, il parlait de sa valeur nutritionnelle et l’utilisation traditionnelle de ses différentes parties.»

De meilleurs citoyens

Transmettre les connaissances qui permettront aux jeunes de devenir des leaders de leur communauté, aider ces enfants à se bâtir une confiance en soi… Une mission qui s’applique tout autant aux Autochtones du Nord qu’aux jeunes des milieux défavorisés urbains.

«Récemment, nous avons fait un camp pour jeunes filles dans un quartier extrêmement défavorisé de Toronto. Le thème était la réalisation d’une vidéo. Au début, les filles n’osaient même pas toucher au matériel, car elles pensaient qu’elles allaient tout briser. À la fin du camp, elles avaient tourné, réalisé et monté leur documentaire… On a d’abord de la résistance, mais dès qu’un enfant comprend qu’il va être capable de faire quelque chose et que ça va être amusant, c’est gagné.»

Quant aux jeunes animateurs d’Actua, ils bénéficient d’une expérience unique en étant confrontés à des réalités souvent très éloignées de leur quotidien. «Ça fait d’eux aussi de meilleurs citoyens! En plus, cette expérience les aide professionnellement, car ils seront capables de mieux comprendre les communautés pour lesquelles ils travailleront peut-être un jour comme ingénieur, médecin ou scientifique.»

Une aventure humaine gagnante dans les deux sens, qui fait de la science un prétexte pour aller à la rencontre de l’autre.

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