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Le sociofinancement ou crowdfunding, est sûrement une belle façon d’impliquer le citoyen dans la recherche. Mais qu’est-ce qui permettra de distinguer un traitement bidon d’une recherche sérieuse? Plongée sur un vaccin contre le sida qui provoque beaucoup de débats.

L’enthousiasme de Reid Rubsamen n’est pas contesté par la journaliste de Nature qui a tiré la sonnette d’alarme. Mais c’est le fait que son projet de vaccin anti-sida ne cite ni données ni expert du sida qui inquiète. Cet anesthésiologiste et entrepreneur californien a lancé sur Kickstarter le Projet Immunité qui, en janvier, n'a eu besoin que de 10 jours pour atteindre son objectif de 400 000$.

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Pour bien des innovations technologiques lancées par le sociofinancement au fil des années, le problème ne se posait pas dans les mêmes termes: les entrepreneurs de la Silicon Valley, rappelle la journaliste, «tendent à être plus impressionnés par des technologies et du marketing que par des données révisées par les pairs». Mais cette attitude est-elle compatible avec la recherche médicale?

Le vidéo promotionnel du vaccin anti-sida de Reid Rubsamen a fait froncer bien des sourcils: «dans quelques années, nous pourrons distribuer notre vaccin aux millions de gens qui en ont le plus besoin». Parce que c’est là un langage que ne se permettraient jamais des chercheurs publiant dans le New England Journal of Medicine: bien que des travaux sur des vaccins se poursuivent à gauche et à droite, aucun ne se risquerait à faire des prédictions dans le temps. Dans la recherche médicale, les essais cliniques sont longs et remplis d’obstacles, et la majorité des médicaments expérimentaux sont abandonnés en cours de route.

Même la journaliste de Wired, publication d’ordinaire aussi enthousiaste face aux innovations que les innovateurs eux-mêmes, met les pieds sur le frein:

Le problème? Il n’a aucune expérience du VIH ou de la recherche sur le sida, pas plus que quiconque sur l’équipe du Projet Immunité.

Des résultats d’expériences sur des souris auraient été soumis à la revue Vaccine, mais personne ne les a vus à ce stade.

Peut-être est-ce la recherche médicale, davantage que la recherche scientifique, qui pose problème. Personne n’a semblé critique du projet de sociofinancement d’un télescope spatial pour l’étude des ressources terrestres, ou d’un projet d’étude des guépards au Kenya.

Le sociofinancement pourrait-il remplacer les subventions de l'État? Certainement pas, répondaient dans le Scientific American deux de ceux qui ont pourtant pu réaliser leur projet grâce à ce système. Mais ça pourrait être une rampe de lancement pour de jeunes chercheurs.

Le sociofinancement est une façon d’impliquer le public, se réjouissait Nature dès 2012. Le simple citoyen peut encourager un projet auquel il croit, et être tenu au courant de l’état d’avancement de ce projet. À une époque où, de plus, le financement par l’État de la recherche est plutôt à la baisse qu’à la hausse.

Le site de sociofinancement Petridish, voué spécifiquement aux recherches scientifiques, expérimentait pour sa part un mécanisme de révision, pour assurer un certain sérieux aux projets proposés —un mécanisme qu’on ne retrouve pas sur Kickstarter. Mais Petridish n’accepte plus de nouveaux projets.

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