dreamstime_xs_19730169.jpg
S’il y a bien une chose qui réunit les Québécois et les Français, c’est la gastronomie. Tout de suite, la table est mise. «Les chefs travaillent tous pareil, même s’ils aiment la cuisine d’auteur ou vont, comme le Québécois Martin Picard, remettre le folklore au menu», résume Priscilla Plamondon-Lalancette, étudiante à la maîtrise à l’Université du Québec à Chicoutimi.

Au Québec, l’accent est plutôt mis sur les produits, des ingrédients nouveaux ou des condiments régionaux sortis de l’ombre –gadelles, têtes de violon, airelles, amélanches et autres particularités québécoises– que sur des recettes particulières.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

«À cette cuisine de bucheron, plutôt indigeste, les chefs vont préférer la cuisine française, même si elle garde une image snob et prétentieuse, avec une touche d’identité locale», précise la jeune chercheuse lors d'un récent colloque sur la gastronomie présenté dans le cadre de la 27e édition des Entretiens Jacques Cartier.

Au croisement d’un héritage français et britannique, cette cuisine chaleureuse ne se résume pas aux variations de la poutine.

Une pincée d’ailleurs aide le gourmet à se transporter dans les pays exotiques, sans bouger de sa ville. De nombreux restaurants plongent même avec délectation dans l’immersion: Jardin Tiki, Alpenhaus, Casa Cacciatore ou encore Acropolis Ouzerie.

Jusqu’à parfois frôler le mauvais goût. «Décor, musique et gastronomie typique, cette immersion sollicite nos sens. Nous sommes alors transportés en Chine ou en Polynésie sans y être tout à fait», explique de son côté la doctorante de l’Université de Montréal, Roxanne Arsenault. La jeune femme s’intéresse à la gastronomie thématique des restaurants exotiques et immersifs de 1950 à 1980 à Montréal.

Après la 2e Guerre mondiale, les Québécois entendent les récits des soldats qui reviennent de loin. Le boom économique aidant, les nouveaux matériaux d’imitation, le besoin de divertissement et la fascination pour l’exotisme feront le reste. L’exode rural d’une large frange de la population donnera naissance à des lieux refuges, inspirés de la Gaspésie par exemple.

La formule rassurante affiche une touche de tradition ou d’exotisme avec des ingrédients connus. «Le client occidental mange une “fausse” nourriture exotique aux noms dépaysants qui ne se consomme pas ailleurs», relève l’étudiante. Du «faux authentique» déjà véhiculé à l’époque de l’Expo 67 où le restaurant du Pavillon du Canada présentait de la cuisine canadienne librement inspirée de plats amérindiens. «Personne n’a jamais mangé ici du bouillon de queue de castors ou encore du béluga», confirme Roxanne Arsenault.

Une louche de soupe Campbell

Soupe à la main, Alain Girard l’avoue sans peine, la crème de champignon de la compagnie Campbell’s Soup: «C’est toute mon enfance!». Le coordonnateur de recherche du Laboratoire de recherche sur la santé et l’Immigration de l’UQÀM a donc pris la familière boite de conserve rouge et blanche comme illustration de l’imaginaire gastronomique populaire.

«La gastronomie n’est pas juste ce qui se mange. La boîte de soupe Campbell symbolise le développement de l’industrie alimentaire, la transformation du rôle des femmes et la percée des médias de masse», explique le sociologue de la culture alimentaire.

Cette boîte de soupe a modifié l’imaginaire du repas. «Acheter, chauffer et servir», la soupe n’a plus besoin d’être mitonnée longtemps à partir d’ingrédients bruts. Une économie de temps à la clé. «Savoir faire de la soupe importe peu, la servir suffit. C’est tout le virage de l’après-guerre: se faciliter la vie dans la cuisine.»

La soupe Campbell a transformé les États-Unis en une nation de mangeurs de soupe –une transformation immortalisée par Andy Warhol. Elle sera distribuée au Québec seulement après la 2e Guerre mondiale. Cette soupe a eu un succès populaire, relaté par Michel Tremblay dans son autobiographie – sans oublier les soupes Lipton et sa fameuse «soupe de malade» poulet et nouilles à laquelle aucun rhume ne résiste!

Je donne