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Jamais n’aura-t-on vu une maladie infectieuse faire autant peur... sur le mauvais continent. Pendant que des milliers d’Ouest-Africains en meurent, des millions de Nord-Américains ont voulu transformer leur continent en camp retranché. Gagnant haut la main du prix de l’Agence Science-Presse pour la paranoïa de l’année: le virus Ebola.

Les uns ont voulu interdire toute liaison aérienne vers l’Afrique au complet, à l’encontre des directives de l’Organisation mondiale de la santé pour qui il fallait au contraire acheminer un maximum d’aide vers les trois pays touchés. Les autres ont annulé des conférenciers, des voyages organisés, fermé des écoles, parce que quelqu’un était allé au mauvais endroit au mauvais moment. Et c’est sans compter les politiciens qui ont imposé, sans raison légitime, une quarantaine aux travailleurs de la santé rentrant du Libéria.

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Le site PolitiFacts, qui se penche d’ordinaire sur les mensonges et les exagérations des politiciens, s’est plutôt penché en cette fin d’année sur les fausses affirmations autour d’Ebola. Il en a évalué 16, mais la liste aurait pu être plus longue. Par exemple: des immigrants illégaux porteurs du virus qui seraient entrés aux États-Unis par le Mexique. Il s'agirait d'une arme biologique créée dans un laboratoire américain. Ebola pourrait se transmettre comme un rhume (une idée répandue par un influent chroniqueur de droite, publié dans des dizaines de journaux, George Will).

Au début de l’automne, la journaliste Maryn McKenna a lancé sur Twitter le mot-clic «Ebolanoïa». Elle a aussi rassemblé sur un Tumblr les histoires les plus absurdes —comme ces enfants américains interdits d’école parce qu’ils arrivaient d’un pays d’Afrique... situé à 3000 kilomètres du foyer d’Ebola.

Et c’est sans compter ceux qui ont espéré faire un gros coup d’argent en publiant sur Amazon, à compte d’auteur, des livres alarmistes répandant des théories farfelues. Et ça a marché.

Au final, cette peur irrationnelle a détourné l’attention de pays qui avaient pourtant désespérément besoin d’attention —pour recevoir davantage de médecins, de travailleurs humanitaires et d’aide financière. À en juger par le fait que, sur 16 personnes qui ont été traitées pour Ebola sur le sol américain seulement deux sont mortes, on peut rêver au nombre de vies qui auraient pu être sauvées au Libéria ou en Sierra Leone si leurs hôpitaux avaient bénéficié des mêmes ressources, humaines, financières et techniques. En cette fin d’année, bien que la progression de la maladie ait ralenti, le nombre de morts (selon l’Organisation mondiale de la santé) a dépassé, le 15 décembre, les 6800, et pourrait atteindre les 8000 avant que la maladie n’ait été jugulée. Jusqu’à la prochaine alerte.

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