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Cette mâchoire appartient-elle à une nouvelle espèce d’australopithèque ou s’agit-il d’une variation d’une espèce connue? La question ne sera pas réglée de sitôt, mais elle rappelle combien il reste à apprendre sur ces ancêtres qui n’étaient plus des singes mais pas tout à fait des humains.

Une mandibule et quelques dents: c’est la découverte de l’année pour les paléontologues et la discussion qui les passionne depuis le dévoilement officiel dans Nature, le 27 mai: cette mâchoire, mise à jour en Éthiopie, est vieille de 3,3 à 3,5 millions d’années. Soit l’époque de Lucy, la plus célèbre des australopithèques, découverte en 1974 dans la même région d’Éthiopie. D’emblée, le chercheur principal, Yohannes Haile-Selassie, du Musée d’histoire naturelle de Cleveland, l’a associée à une nouvelle espèce, australopithecus deyiremeda . Les sceptiques préfèrent la laisser dans l’espèce australopithecus afarensis, celle de Lucy.

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Quelle importance à ce débat d’experts? D’abord, le fait que la «biodiversité» de l’espèce humaine —des Homo sapiens qui ont côtoyé des Néandertaliens qui ont côtoyé des Dénisoviens et sans doute d’autres encore— est peut-être de l’histoire (très) ancienne: plutôt que d’avoir une seule lignée d’hominidés qui se serait séparée des grands singes il y a six ou sept millions d’années avant de se diversifier «récemment» (en gros, dans les deux derniers millions d’années), peut-être y a-t-il eu plusieurs lignées très tôt. Auquel cas Lucy ne serait que la représentante de la lignée dite «gracile», par opposition à l’autre, parfois appelée «robuste», qui aurait conduit jusqu’à nous.

Ce n’est pas une idée nouvelle. Des ossements découverts en Afrique du Sud en 1995 font l’objet d’un débat depuis cette époque, leur découvreur, Ronald J. Clarke, de l’Université de Witwatersrand, insistant pour les rebaptiser australopithecus prometheus , là aussi une lignée «robuste». D’autres ossements de la même caverne sont censés être dévoilés bientôt. Il y a par ailleurs ce crâne de trois millions et demi d’années, découvert en 2001 au Kenya, que ses gens tiennent à appeler kenyanthropus platyops. Le mois dernier, une équipe de l’Université Stony Brook lui a attribué des outils qu’ils datent de 3,3 millions d’années.

Que ces ossements disparates (et tous incomplets) appartiennent à des lignées différentes ou non, ils n’en suggèrent pas moins des adaptations différentes à des environnements différents —et s’il fallait découvrir, un jour prochain, d’autres outils de pierre vieux de plus de 3 millions d’années, cela poserait en des termes inédits la question de la transition de la famille Australopithecus à la famille Homo —parce que l’australopithèque demeure dans une catégorie à part: pas un singe, mais pas encore un humain.

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