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Au Québec, cela n’a pas fait de grandes vagues mais c’est une petite révolution. Les médecins québécois devront dorénavant privilégier les médicaments génériques.

Car depuis le 24 avril, le gouvernement du Québec a amorcé un virage qui devrait lui faire économiser 40 millions$, en accordant la priorité aux médicaments dits «de substitution».

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On appelle en effet médicament générique une copie généralement moins coûteuse du médicament d’origine, produite sous un autre nom. En théorie, les usages et les effets secondaires sont censés être les mêmes.

«En Europe, ce changement de cap a été amorcé depuis près de 10 ans. Ici, le dossier traîne depuis très longtemps», lance Marie-Pascale Pomey, professeure titulaire au Département d’administration de la santé de l’Université de Montréal et co-auteure d’un rapport sur la Fixation des prix des médicaments génériques au Québec .

Les prix des médicaments restent très élevés et les Québécois en consomment trop. Une tendance difficile à inverser. «Ce sont 20% des dépenses en santé contre 8% il y a 30 ans —soit plus de 7,5 milliards de dollars annuellement», résume la Dre Anick Bérard, directrice du Réseau québécois de recherche sur les médicaments du Fonds du Québec —Santé.

Anick Bérard était aussi organisatrice du récent 1er Forum sur le médicament. Celui-ci a réuni le 1er juin à Québec chercheurs, développeurs et politiciens autour de grands thèmes dont la recherche translationnelle —c’est-à-dire un meilleur arrimage de la recherche fondamentale aux besoins de la pratique. «Il est possible de concevoir la plus belle molécule, mais si elle est mal prescrite et mal prise, ce n’est pas la peine», note la chercheuse, citant le cas de la statine, un médicament contre le cholestérol qui a engendré de nombreuses hospitalisations.

Les génériques ne figuraient pourtant pas au programme du récent forum. «Je suis assez d’accord avec la décision du ministre, il faut se poser la question du coût et donc en parler», convient l’organisatrice du Forum. Elle rappelle que les prescriptions d’antidépresseurs ont été multipliées par trois ces dernières années. «Et ce n’est peut-être pas la meilleure méthode pour gérer la dépression, particulièrement chez les femmes enceintes».

Nouveau virage québécois

Comment trouver un meilleur équilibre entre les deux types de médicaments, de marque et générique? «Au Canada, on n’a pas beaucoup profité des effets des génériques en raison du fort lobbying des compagnies pharmaceutiques», affirme Marie-Pascale Pomey.

Son rapport, paru en 2013, traite des politiques de fixation des prix des médicaments remboursés par le régime public d’assurance médicaments du Québec, ainsi que de l’évolution de ces politiques. Marie-Pascale Pomey et ses collègues explorent trois mécanismes de fixation des prix des génériques: les appels d’offres, l’étalonnage et la tarification dégressive.

La tarification dégressive —mise en place en Autriche, en Norvège, au Portugal et en Estonie— fixe le prix du générique à partir d’un pourcentage du prix du médicament d’origine, tout en laissant jouer la concurrence entre les fabricants. «C’est un modèle intéressant mais j’ignore si c’est celui qui va être privilégié par le gouvernement», relève Mme Pomey.

Au Canada, la protection du brevet couvre les médicaments d’origine pendant 20 ans —contre autrefois 15 ans au Québec, une mesure abolie en 2013. «Rendre les médicaments accessibles est une question de démocratie», ajoute la chercheuse.

Substituer ou pas?

Il y a toutefois des exceptions à la prescription de génériques: les médicaments de classe 7 (immunosuppresseurs, par exemple), la clozapine, les cas d’allergie ou lorsque la formule est différente du médicament d’origine.

«Il est faux de prétendre que les génériques sont des copies conformes des médicaments de marque (Brand name). Certains différent quant à leur efficacité», avance la Dre Bérard. Elle pense que le débat doit aller au-delà du coût: «il faut choisir le moins cher à efficacité comparable».

Un mois après l'annonce du gouvernement, une journaliste de La Presse publiait justement un reportage inquiétant sur les médicaments retirés d’urgence, où était pointé Apotex, un grand fabricant canadien de médicaments génériques.

«Les risques de fabrication des médicaments, particulièrement à l’étranger, touchent tous les médicaments et pas seulement les génériques, qui sont soumis au même règles que les autres», assure la Dre Pomey: elle croit qu’il y a un effet psychologique à leur faire moins confiance qu’à ceux avec brevets.

«Cela peut aussi arriver à un médicament de marque», renchérit la Dre Bérard. «La clé est de renforcer le contrôle de qualité de ceux importés mais aussi de ceux que nous fabriquons». De garder les yeux ouverts et de choisir ce qui nous convient... et ce qui convient aussi à notre porte-monnaie.

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