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Des milliers de touristes se sont envolés cet été vers des destinations lointaines avec l’angoisse de contracter une maladie infectieuse bien ficelée dans leurs valises. Or, avec les récentes alertes d’Ebola, du coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-Cov) et de la rougeole, de nombreuses personnes surestiment souvent les risques de santé auxquels elles sont véritablement confrontées.

Il est vrai que les chiffres effraient : selon l'OMS, 27 305 cas signalés de maladie à virus Ébola et 11 168 décès ont été rapportés en juin dernier en Afrique de l’Ouest. L’épidémie de maladie à virus Ébola sévissait encore à cette date en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, mais les éclosions dans les autres pays de l'Afrique de l'Ouest étaient somme toute terminées.

Cette crainte proviendrait du fait que les gens ont de la difficulté à comprendre les nombres, avance Alain Poirier, médecin-conseil de l’Institut national de santé publique du Québec (INSP) et ex-directeur national de la santé publique. « Quand les médias mentionnent des nombres, les gens s’alarment. Il faut utiliser des formulations qu'ils comprennent — une chance par jour, pendant tant de jours –, mais aussi remettre en contexte l’information. »

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Loin de lancer la pierre aux médias, le médecin soutient qu’il est temps de faire en sorte que les messages de santé publique soient véhiculés de manière plus efficace. « C’est à nous, aux professionnels de la santé, de nous adapter aux médias pour être clairs et compris du public. Il convient parfois aussi d'utiliser des images plutôt que le mot juste du professionnel. » À tire d'exemple, il cite le mot « épidémie », qui pour le médecin fait simplement référence à une augmentation de cas, alors que pour le public, ce mot rime plutôt avec une « perte de contrôle » face à la maladie.

Un message ciblé

Selon le spécialiste, communiquer les risques de maladies infectieuses, « c’est un peu comme une course à relais, on le fait plus ou moins bien, mais cela s’apprend. »

Chaque public et chaque contexte nécessitent un message différent. Il faut communiquer à plusieurs niveaux avec un bon message pour chaque public et une bonne préparation du message du côté de l’expert.

Mais surtout, il ne faut ni attendre pour livrer ce message, ni tenter de rassurer, une « erreur classique ». « Be first, même si toutes les informations ne sont pas connues et ne vous préparez pas trop, car 80 % de la confiance du public sera liée à vos attributs personnels et non à vos informations fouillées. Trop de détails et de nuances nuisent plus à la circulation du message », explique le spécialiste qui forme également les jeunes étudiants à la communication des risques en santé publique.

Des risques, quels risques?

L’émergence du SRAS au Canada en 2003, fortement localisé dans la région de Toronto, a démontré que l’information auprès du public ne circulait pas toujours de manière adéquate. Le même phénomène s'est produit avec le récent épisode du H1H1. « Il faut tenir compte des différences de perception, des références et surtout, évaluer les risques de manière scientifique », explique Valérie Cortin, experte en gestion des risques à l'INSP du Québec.

Aucun besoin toutefois d’un protocole de couleurs ou chiffré suivant le niveau de risque. « Cela ne fonctionne pas pour les maladies infectieuses, contrairement au tremblement de terre et autres risques naturels. Il vaut mieux “faire image”. Donner un état chiffré de la situation s'avère plus affolant puisqu'il est incompris du public », croit Alain Poirier.

Une meilleure utilisation d’internet et des réseaux sociaux pourrait aussi faire partie de la solution. « La direction de la santé publique et la France font mieux que nous à ce niveau. Ici, malgré la volonté d’augmenter les échanges avec la population, c’est encore exploratoire », note Nathalie Labonté, conseillère en communication à l'INSP. Dans la qualité de l’échange réside sans doute la solution à nos maux de ventre.

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